Nouveau lieu de spéculation par excellence des entreprises du secteur marchand, l’Internet a vu se développer, ces dernières années, de plus en plus de services d’hébergement. Le principal argument publicitaire mis en avant pour attirer de la clientèle reste la gratuité des services. Gratuité relative, puisqu’elle est bien souvent rendue possible par la présence de publicité, qui s’impose jusque dans les pages des utilisateurs, ou liée à la constitution de bases de données recensant des informations détaillées sur le public accueilli. Les services proposés sont standardisés et nivelés par le bas pour répondre aux besoins les plus courants de « clients », et c’est l’hébergeur qui décide de leur évolution, reléguant les utilisateurs à un rôle passif de consommation de ressources.
Des services alternatifs se sont développés, mais uniquement en réaction à l’aspect marchand insidieux de ce type d’hébergements, défendant la gratuité sans condition des services proposés.
Le projet l’Autre Net oriente quant à lui son action vers une gestion solidaire du service, une mise en commun de moyens menant à la production d’un service par ceux qui le consomment. Partage de coûts, synergie de compétences, réflexion commune, responsabilisation des utilisateurs par la négociation et le choix sur la mise en adéquation des services avec leurs besoins réels, gestion transparente et horizontale de la structure, incitation et soutien au développement de services similaires, évitement d’une logique de développement à outrance par le « clonage » systématique du service au profit d’une nouvelle structure au-delà d’un seuil critique de participants.
L’historique
La disparition de l’hébergement Internet gratuit proposé par altern.org en juin dernier, et la proposition faite par Valentin
Lacambre de mettre à disposition de projets émergents les logiciels utilisés pour la mise en œuvre de ce service, a amené
un groupe d’individus utilisateurs d’AlternB à s’organiser en vue de la création d’un nouvel hébergeur Internet, géré
solidairement par tous ses utilisateurs, lesquels s’impliqueraient tant dans son financement que dans le développement des
services, l’administration et l’organisation de la structure porteuse.
Dès juin 2000, des débats ont été initiés sur diverses listes de discussion électroniques, conduisant à la mise en place
d’une page Web de présentation du projet, appelant tous les internautes intéressés à se faire connaître. Le principe exposé
mettait en avant :
le partage équitable des coûts de production du service à assumer entre tous les membres (coût individuel inversement
proportionnel au nombre d’utilisateurs),
le caractère non-marchand du service, refusant notamment l’hypothèse de financements liés à la publicité en ligne, et
l’exploitation de données personnelles sur les utilisateurs.
le choix d’un mode d’administration autogestionnaire, basé sur la libre expression et la mise en place d’outils permettant la
prise de décisions par l’ensemble des utilisateurs.
Même s’il ne s’agissait que d’un premier recensement sans engagement formel, le formulaire présent sur le site a été utilisé
par plus de 1400 internautes, qui se déclaraient intéressés par ce fonctionnement.
Dès l’été, de nombreux débats ont été engagés, quant au statut juridique le plus adapté pour ce type de service, aux outils
à créer pour assumer les choix d’une démocratie directe (organisation interne et systèmes de vote), aux impératifs
techniques liés au type de prestations envisagées.
Une liste de discussion « assemblée générale » a été créée, permettant l’expression de tous les membres souhaitant
s’engager dans la création du service.
Elle a été consolidée par la création de listes thématiques sur les divers sujets spécifiques évoqués ci-dessus, publiant
ensuite les résultats de leurs travaux sur la liste de l’assemblée, pour validation.
Début septembre, le choix a été fait de créer l’association L’Autre Net,
régie par la loi de 1901, cette forme juridique étant
manifestement la plus adaptée au fonctionnement autogestionnaire.
Valentin Lacambre a confirmé son investissement dans le projet par la mise à disposition du support logiciel anciennement
utilisé par altern.org, et un partenariat a été mis en place avec l’association GlobeNet (Fournisseur de services Internet
associatif) pour l’installation d’un premier serveur appartenant à l’association L’Autre Net et partageant la liaison spécialisée
de Globenet.
Des liens existent d’ores et déjà avec d’autres projets en gestation, voués à utiliser la même base logicielle et poursuivant
des objectifs compatibles avec ceux de l’association L’Autre Net.
Les objectifs
Créer un service d’hébergement Internet francophone non marchand géré solidairement par tous ses utilisateurs, en
exploitant les possibilités offertes par Internet en matière de négociation, de décision, de communication intra-groupe et
d’ubiquité.
Développer au sein d’un public large et non spécialiste la capacité de prise en charge de leurs propres services
d’hébergement, sans contrepartie commerciale, sur un mode participatif et permettant d’adapter l’outil à leurs besoins, qu’ils
aillent de la présence minimale sur Internet à la mise en ligne d’un site complet.
Participer à l’émergence d’un réseau de structures similaires, en créant un service aisément reproductible, et en mettant à
disposition de nouvelles structures les outils créés pour sa gestion.
Développer des partenariats avec d’autres structures poursuivant des objectifs similaires ou compatibles, en vue de la
création d’un réseau d’hébergement alternatif et solidaire accessible au plus large public, et présentant de par sa
décentralisation une plus grande résistance (l’exemple d’altern.org ayant montré qu’une structure unique trop fédératrice
rendait l’Internet non-marchand tout entier vulnérable).
