Voilà ça y est, je suis inscrit, d’un coup de fil, c’est magique. Je
suis tombé tout de suite sur la bonne personne, une « télé-opératrice »
qui, après quelques renseignements, m’a déclaré inscrit et m’a informé que
je devais maintenant assister à une réunion d’information. Bon y a qu’un
petit souci, c’est que le numéro de téléphone auquel j’ai dû appeler,
c’est un 08..., et donc que la communication coûte je ne sais pas combien
la minute. Je trouve la combine des Assedic pas trés élégante, mais
après tout, c’est peut-être pour notre bien, peut-être que les
télé-opératrices sont payées avec ça et que, quand personne n’appelle,
elles ne réussissent à gagner leur vie qu’en faisant du tricot pour une
chaîne de distribution de pulls en laine de lama, ou autre chose dans le
genre. Peut-être même qu’elles sont télé-opératrices multicartes. « La
Redoute bonjour », « Vous avez demandé la police ne quittez pas », ou
même « Secrétariat de Nicole Notat, ne quittez pas ». Depuis que
l’esprit de la réforme est entré dans l’administration par derrière et
sans s’annoncer, il y a beaucoup de choses qui changent, dérangent en
faisant mal, surtout pour « le client » ou « demandeur » autrefois appelé
« administré », « citoyen », « contribuable ».
Bon, la « télé-opératrice », elle m’a pas dit son petit nom , comme
certaines le font maintenant, genre pour réserver un billet de train.
« Anne Dubillard bonjour », c’est nettement mieux que « l’agent D743 va
traiter votre appel ». Donc la « téléop » n’a pas dit son prénom mais
c’est pas grave, elle était charmante quand même. Aux questions que je
lui ai posées, elle m’a répété comme un automate, invariable, qu’à la
réunion, ils me diraient tout. Une question en particulier me taraude
pas mal, je vous la pose à vous, peut-être qu’il y en aura un qu’aura une
réponse : « Quand on est technicien supérieur, bon on fait 35 heures par
semaine voire un peu plus, mais les chômeurs, ou plutôt les demandeurs
d’emploi, ils sont astreints à quoi, à 35 heures, ou bien plus, ils
seraient pas chômeurs 24 h sur 24 par hasard, à s’épuiser les nerfs en
permanence ? » J’ai pas l’expérience mais je pense qu’avec le temps
j’arriverai à résoudre ce genre de questions. Seconde question : « Vu que
les chômeurs créent des emplois : d’animateurs, de guichetiers mais
aussi plein d’emplois dérivés du genre médecins pour prescrire des
anti-dépresseurs, de kinés pour les débloquer quand ils commencent à
somatiser sec avec des problèmes de dos, est-ce qu’en fonction des
courbes du chômage et de l’augmentation du chiffre d’affaires des
formateurs, thérapeutes, psys, médecins, pharmaciens, on pourrait pas
prévoir un système de primes pour ces chômeurs très utiles. » Je suis sûr
que, depuis le choc pétrolier de 1974, le chomedu est l’un des secteurs
économiques dont on nous cache, par pudeur ou mauvaise conscience post
judéo-chrétienne, qu’il est générateur de croissance, tiens peut-être
même autant que les sans-abri et la violence urbaine (vous savez, le total
contre-exemple d’avec les chômeurs : les chômeurs, on les sort par tous les moyens des statistiques ;
hé bien les violences urbaines, au contraire, on fait
tout pour qu’elles y rentrent et même plutôt deux fois qu’une). J’y
comprends rien. Je dois encore me poser trop de questions.
Enfin, le rendez-vous pour la réunion de première information aura
lieu dans une semaine.
Je suis passé au supermarché acheter des packs de bière, j’ai préparé
mon jeu de cartes et j’ai téléphoné à des potes.
On est de plus en plus nombreux dans mon coin à passer nos après-midi à
jouer aux cartes et à essayer de joindre une télé-opératrice des
Assedic dès qu’on a un souci. Ça doit être la modernité qui veut ça. À
bientôt, on se téléphone, rassurez-vous, c’est toujours moi qui
décroche, il y a pas de téléop chez moi, je l’ai congédiée. Et
maintenant pour rigoler avec les copains, il y a même des fois où je
réponds : « Lionel Marcovitch bonjour, ne quittez pas, je vais traiter
votre appel ».