On a déjà présenté brièvement le réseau du nebipe, aussi nommé net-bien-pensant. Seconde partie donc, pour progresser dans la connaissance du machin, qui n’a rien d’anecdotique ou de futile, puisqu’il va être notre principal ennemi dans la campagne qui s’annonce (Loi sur la Société de l’Information).
Le nebipe ne produit pas que de la reconnaissance sociale et de la carrière pour ceux de ses membres dans le besoin. Il donne aussi une vision du monde, des représentations du bien et du vrai (pour le beau, ils n’insistent pas, heureusement). Certes, sans intention de provoquer l’extase, juste pour l’adhésion des modérés de tout. On trouvera ces pépites conceptuelles dans les présentations d’eux-mêmes et de leurs missions ou objectifs (chartes, qui-sommes-nous, etc.).
Le nebipe est gentil et social
Les nebipiens (ou nebipeux, ou nebipards, comme il te plaira) ne racontent pas qu’ils s’engagent publiquement, mus qu’ils seraient par de dévorantes pulsions narcissiques ou le ressort d’un ressentiment qui travaille les âmes les mieux trempées avec le temps passant et la comparaison sociale aidant. Ou le souhait de conserver une position acquise dans les temps héroïques. Ou bien encore pour défendre les intérêts de leur milieu. Non, d’ailleurs nous, on ne dirait pas ça non plus, pas fous, hein.
Ils oeuvrent au bien collectif, spécialement celui des internautes, c’est pour eux que nous travaillons tous dit le capitaine du Forum des Droits sur l’Internet. Qu’en ont ils à faire du bien des autres, intérêt que leurs actions passées n’avaient pas vraiment permis d’évaluer à sa juste mesure, je ne sais, mais ils oeuvrent. Que par ce détour d’aspect altruiste, voire conventionnellement humanitariste, ils trouvent juste satisfaction sociale personnelle et collective, est normal, et sain dans une société qu’ils aimeraient même un peu plus méritocratique, compte tenu du mérite auto-estimé.
Ils veulent l’internet pour tous, sympa ça. Dans les écoles et même en commençant par les ZEP, zone de priorité de l’alphabétisation numérique, faute de l’autre. Car, comme dit un président nebipeux spécialiste de propos puissants longuement pensés, c’est l’homme qui donne toute sa valeur à l’Internet . Ils savent comment parler aux supposés crétins, en ne disant rien, tout en utilisant les mots qui entretiennent le consensus et évitent le débat.
Alors les chartes sont à l’avenant :
… promouvoir un espace libre d’échange et de partage servi par des technologies qui doivent être :
a) gratuites, pour garantir l’égalité d’accès des plus pauvres,
b) simples, pour assurer l’égalité d’usage des moins instruits,
c) universelles, pour permettre l’égalité d’expression des cultures les plus variées.
Sympa, n’est ce pas de penser aux plus pauvres et moins instruits, de gauche même carrément. On dit aussi parfois fracture numérique. Mais je n’ai pas trop vu depuis quelques années que des actions en faveur de la gratuité aient été entreprises…D’ailleurs, ce serait quoi ? Un service public ? Un gratuit de chez jtevenkoi ? Nul ne sait. Le nebipe de donne pas le mode d’emploi avec le propos généreux de façade, qui, de ce fait, reste convenablement charitable et n’engage à rien. En réalité, on le verra plus bas, ils ont renoncé à la gratuité, mais la charte doit paraître mieux comme ça, point de vue communication.
Après, bien sûr, que le net ne résolve pas tout à fait, ou même vraiment pas du tout les problèmes de leur cible pauvre et peu instruite, qui sont d’autre nature, n’est pas trop leur affaire, c’est de la politique, et ça, le nebipe n’en cause que contraint et forcé. Vous chercherez en vain des communiqués de ces organismes sur les affaires récentes (l’assignation des FAI par exemple). Vous êtes trop jeunes pour vous souvenir de cette affaire paléolithique qui a déjà plus de 2 ans, mais pour le contentieux Halliday/Altern (responsabilité de l’hébergeur), il avait fallu quelques temps pour que l’ISOC se penche sur la question, alors que la pétition de soutien avait déjà eu 2000 signatures en 3 jours, et que IRIS et Voltaire, des gens sérieux, s’étaient prononcés sans ambiguïté.
Encore le conseil de cette association avait-il connu de notables divergences d’appréciation . Avec par exemple la prémonitoire proposition de texte suivante : Le chapitre Français de l’Internet Society considère qu’en tout état de cause l’hébergeur ne peut être dégagé de toute responsabilité, ni de ses droits et devoirs de citoyen. S’il a, par lui même ou par autrui, connaissance de pages incontestablement délictueuses, il doit en cesser la diffusion immédiatement. Ca fera écho, cette chose là, notamment dans le milieu de son auteur (politico-administratif)... Tellement même que l’ahurissante notion de délit incontestable appréciable par tout un chacun sert d’argument vis à vis du juge (incontestablement habilité à dire ce qui est délit).
Surréaliste ? Non, dans l’idéologie ordinaire du nebipe, il y a équivalence entre les fesses à Germaine décrites on line par qui l’aime, ou données à apprécier en photo, ou exposées in real life à la sortie de l’école, ou utilisées à faire boutique mon cul. Pire, entre exposer Germaine et consulter l’exposition... J’exagère ? A peine, hélas. C’est un bon usage de la dématérialisation, sans doute, qui assimile l’acte, le discours sur l’acte, l’opinion sur l’acte, la consultation de l’acte, et même la pensée intime sur l’acte. L’idéologie du nebipe est ainsi potentiellement totalitaire (mais ne le dites pas, on ne sait jamais).
Il est vrai qu’on n’y fait pas de politique, la preuve, les rencontres d’Autrans étaient définies en 1999 comme le Davos de l’Internet français, référence disparue après que davique fasse un peu « politique ». Peut on voir plus élitiste ? On est loin des pauvres moins instruits... Avant, la comparaison ne gênait pas, au contraire, ça flattait le participant d’avoir l’air d’un décideur international. Maintenant, dame, ça ferait plutôt bourge trop nourri et autosatisfait, qui boit la sueur du prolétaire, pas terrible…
Et le Forum des Droits sur l’Internet, vous vous souvenez ? Son ambition est d’associer l’ensemble des acteurs à la construction de la civilité de l’internet. Sympa comme tout, positif, un travail d’équipe, et pour tous. D’ailleurs quand la personne responsable du Forum (dire mon Capitaine) a exposé son machin à Hourtin (au moment où nous travaillions à l’article sur la mise en branle), s’est trouvé manifesté avec une virilité sans mollesse cet esprit qui convient si bien à l’erection d’une civilité : ...le bateau a quitté le port, ses voiles se gonflent, l’équipage est sur le pont.... Plus loin, il est question des difficultés d’aborder l’île... la plus chaude... pendant ce voyage au long cours. Ce n’est pas inventé, vas voir sur le site. Les incivils amateurs de contrepèteries et d’expressions pulsionnelles viriloïdes voudront bien garder leurs mauvaises pensées pour eux.
Les nebipiens ont des Capitaines qui n’ont peur de rien, même pas du ridicule, les équipages n’ont qu’à bien se tenir et jouer le rôle qui leur est assigné dans la bataille de la Loi.
...jusqu’au jour où…
Oui, il y a comme ça des aspects drôles...Mais pas seulement. Bien mieux que dans les chartes pour visiteur pressé, c’est au pied de la Loi qu’on voit le mieux l’idéologie du nebipe et les contenus réels de son humanitarisme. Ainsi de quelques propos fort responsables au cours du colloque d’Hourtin, dont une des thématiques est intitulée Le temps de la régulation et du pragmatisme, ce qui va de soi pour les concepteurs du machin à mettre en condition pour la Loi sur la Société de l’Information. Les manières de poser les questions sont aussi instructives que l’intitulé de thématique.
La diversité des actes répréhensibles, leur caractère discret et rapide impliquent une adaptation de la loi, des organisations et des moyens de lutte.
Internet offre une rapidité de diffusion de l’information qui pose le problème du temps de réaction des organismes de contrôle. A quel moment peut-on interrompre l’accès à un site ? Qui est habilité pour ordonner cela ? Quel type de régulation doit-on mettre en œuvre ?. Si j’étais magistrat, ça me déplairait vraiment beaucoup, ces phrases là...
Société de l’information, société civile, société politique : qui représente le mieux la vie ? Représenter la vie, y a-t-il meilleure formulation pour dire ce qui s’active dans les cerveaux nebipiens ?
Ca, c’est de la problématique ! Et quelques belles citations disent la vérité du projet derrière le pare feu de la langue de bois sur l’accès et la responsabilité.
Pour le haut débit, Le vrai problème, c’est qu’il manque le marché et plus généralement, il faut rétablir le besoin pour le client de payer pour les services.... Là, c’est fortiche, pourtant l’auteur n’est pas spécialiste marketing, ni psychanalyste, ni masochiste. Sacré nom, le besoin de payer, ça, il fallait le sortir, surtout quand sa boîte annonce étourdiment un résultat en hausse de 14% pour le premier semestre. Les pauvres moins instruits vont être très déçus, vu qu’ils sont toujours dans les chartes, mais plus dans les projets (et pas au capital).
Un Conseiller Technique au Secrétariat d’Etat Chargé de l’Industrie estime que “si la loi n’est pas respectée, la responsabilité des prestataires techniques est un passage obligé qu’il faut pouvoir mobiliser de façon rapide”. Certes, c’est plus commode, d’ailleurs d’autres en font usage, de ce passage pseudo obligé, ça évite de s’ennuyer à attaquer les auteurs de contenus, suffit de demander aux fournisseurs qu’ils les virent de l’accès.
X pense que le texte dans sa forme actuelle est dangereux. Il faut impliquer tous les maillons de la chaîne et pas seulement les providers qui vont devoir conserver ces traces pendant un an.. C’est vrai, il n’y a pas que les providers, il y a tous les maillons, et au bout, EDF, sans qui l’internet n’existe pas en France.
Pour Y L’identification serait donc le moyen d’avoir enfin plus de sécurité sur Internet. Pour être certain que les certificats d’identité sont authentiques, il faudra faire appel à de nouveaux périphériques et mettre en jeu la responsabilité des autorités de certification. Ca, on l’a déjà vu essayer l’an passé. Infructueusement.
Z, qui s’exprime au nom du CSA se déclare satisfait de ce que prévoit le projet de loi sur la Société d’Information : les traces des sites visités par les internautes seront conservées pendant un an. De quoi leur redonner le sens des responsabilités. L’internaute est un enfant qu’il faut aider ou contraindre, déjà vu aussi…
Sentez vous comme moi sourdre l’expression d’une satisfaction de censeur dans ces manières de dire ? Oui, le CSA, qui compte tirer le jackpot dans la Loi, en devenant organe central de la régulance, veut nous redonner le sens des responsabilités, ce qui n’est pas particulièrement dans ses missions, mais manifestement dans ses désirs… On est assez loin des propos lénifiants du Forum des Droits, autre organe de corégulation, plus soft sauf pour les gros mots incivils (mais y compris désormais pour la libido on line).
Et puis bien sûr, pour rire, une petite copinerie en passant. On lit dans un compte rendu sur la presse .. seul site pratiquant la critique des médias (tocsin.fr).... Sympa pour eux, ce sont les mêmes qui permutent les responsabilités organisationnelles dans le nebipe (FING, Tocsin, ISOC, FDI etc.).
...il faut en découdre
Humanitarisme correct, consensualisme d’évitement, autopromotion de ses membres, complaisance avec les puissants, répression autoritaire, condescendance, et, naturellement, défense des intérêts de l’univers marchand... Co-régulation, gouvernance et ordre moral new look. Tout compte fait, je ne vais pas sur leur bateau pour les îles chaudes, c’est un piège à cons. Et même, je vais faire corsaire chez l’ennemi, tiens !
Au service de ces bouts d’idéologie, nous observons présentement plusieurs méthodes de mise en condition préalable, simultanément en action.
celle des ultras (alliés du nebipe), par la justice de référé, et l’inlassable répétition dans la presse ad hoc. En espérant que le psittacisme médiatique permettra de diffuser largement
celle des softists, par le forum pour-rire-cause-toujours, dont on peut voir à présent la prétendue synthèse des contributions, doublement attristante depuis que l’on peut apprécier les manières plus olé olé de l’été dans l’abord des îles chaudes (mais le capitaine n’a pas l’air commode)
celle des responsables d’institutions, ou s’imaginant tels dans le proche avenir, par le parlement sous pression électorale, et influence d’experts bien choisis (suffit de retirer dans le même sac)
C’est bien la postérité modernisée de l’armée de la contre révolution, (général en chef Brunswick) comme on peut le constater, avec ses émigrés qui poussent au pire, ses autrichiens qui doivent participer, et ses prussiens. Gaffe, ces derniers sont des pros (pas de l’internet, pour sûr, mais de l’organisation de l’influence). Heureusement, ils se détestent et, surtout, n’ont pas les mêmes visées.
Et on n’a pas traité du pire, les directives européennes qui permettent de dire ensuite qu’on est bien obligé, juste pour se mettre en conformité.
On ne devrait donc pas seulement devoir manger de la sécurisation locale, de l’identification et de la civilité des bateaux qui quittent les ports, mais aussi de la cyberpolice avec perquisitions electroniques, ou de la brevetabilité de logiciels pour les affaires. Bastonnés et volés, les pauvres moins instruits fracturés numériques incivils... Mais ils se font des illusions, les nebipards, on va leur montrer ! (enfin, j’espère).
à suivre