Bercy vient de consentir un « cadeau » fiscal inouï aux opérateurs de telecoms candidats à une licence de téléphonie mobile de 3e génération. Ils vont pouvoir différer à perpétuité les déficits fiscaux liés à leur exploitation des réseaux UMTS. Ceci par le biais d’une décision totalement dérogatoire au droit commun. Privatisation des gains et mutualisation des pertes, l’an 2001 sourit aux hérauts du « tout marché ». Les années suivantes risquent de moins sourire au contribuable : c’est lui qui acquittera l’addition...
Ils ont osé ! Les candidats à une licence de téléphonie mobile de 3ème génération avaient jusqu’au 31 janvier pour déposer leur dossier de candidature devant l’ART.
A 32,5 milliards de francs la licence, attribuée pour quinze ans, ne demeurent en lice que France Telecom, Bouygues Telecom, Cegetel et la joint-venture conclue entre Suez-Lyonnaise des Eaux, l’opérateur espagnol de télécommunications Telefonica et le groupe Arnault.
Initialement, la loi de finance 2001 prévoyait que les opérateurs devaient verser la moitié de cet impôt en 2001 et 2002. Le solde devant être versé progressivement, au fil des 13 années suivantes.
Cet impôt est la contrepartie de l’usage consenti aux opérateurs, privés, d’un bien public : les bandes de fréquence sur lesquelles, et grâce auxquelles, lesdits opérateurs projettent d’offrir au public de nouveaux services d’Internet à haut débit, accessibles via les téléphones mobiles de 3e génération.
Reste qu’il apparait de plus en plus clairement que lesdits opérateurs vont également devoir consentir des investissements deux à trois fois supérieurs à celui du coût d’une licence, pour procéder à l’implantation de leurs réseaux UMTS, déployés sur tout le territoire, à côté du réseau GSM existant, qui continuera à fonctionner après 2002...
Ceci sans même évoquer la polémique déjà bien engagée sur l’inocuité des « antennes-relais » qui doivent être implantées sur tout le territoire.
Aux dires de plusieurs opérateurs, s’il s’avérait qu’un réel danger de santé publique se fasse jour, c’est une véritable « bombe atomique » qui réduirait à néant les mirifiques « business-plan » de la téléphonie mobile de 3e génération...
C’est sans doute par « principe de précaution » que lesdits opérateurs ont exercé une très intense campagne de lobbying sur le gouvernement ces derniers mois.
Campagne couronnée de succès.
Bercy vient de se résoudre à assouplir le régime fiscal des entreprises concernées.
Et leur reconnaît la faculté « d’amortir » à perpétuité leur investissement.
Les opérateurs vont donc pouvoir reporter les déficits fiscaux accumulés sur une période indéfinie. Même au-delà des quinze ans de la concession ! Et non sur les 5 premières années, comme le stipulent le droit comptable et la règlementation fiscale...
Les pertes abyssales que vont enregistrer lesdits opérateurs vont donc tout à fait magiquement être effacées de leurs comptes d’exploitation...
Prodigieux miracle de la Nouvelle Economie : des opérateurs privés concessionnaires d’un bien public, dont l’usage qu’ils projettent d’en faire est au demeurant tout à fait sujet à caution, se voient accorder des dérogations exorbitantes du droit commun...
On ose espérer que Bercy s’est soucié ce faisant de la prévisible réaction de la Commission Européenne, fort attachée comme chacun sait à la libre concurrence.
Et que toutes les précautions ont été prises aux fins que la Commission d’enquête parlementaire que de facétieux députés pourraient s’aviser de créer dans quelques années, n’incrimine pas les responsables de cette décision, quand il s’agira de déterminer les responsabilités dans l’analyse des dégâts produits par le krach annoncé de l’UMTS...
On notera que les chantres du libéralisme à tout crin, chevaux-légers du « tout marché », pourfendeurs féroces de l’étatisme étouffant, s’appliquent à priori un « principe de précaution », qui fait porter le poids du prévisible désastre financier de leurs manigances... à la collectivité. Et in fine au contribuable.
L’UMTS jusqu’ici signifiait « Universal Mobile Transmissions System ».
Va falloir songer à trouver un nouvel acronyme : Union Mafieuse des Telecoms sans le Sou, ça pourrait hélas se révéler très vite d’une brulante actualité...