Il est tout excité, mon pote Julien Nickname…Il m’annonce tout fier qu’il va faire une conférence, une vraie, in real life avec de vraies gens qui écoutent le topo, prennent des notes, posent des questions polies à la fin. Ca s’arrose, je sors ce qu’il faut du frigo de mon père, qui est toujours plein (le frigo), ce pourquoi je squatte et j’invite chez lui quand il est absent. Je lui tends son demi de Saint Omer [1], allez Juju, accouche, c’est quoi cette affaire ?
Fier, il me dit que c’est par l’intermédiare de Lili, sa petite sœur, qui est maintenant dans une école doctorale (elle va nous toiser après ça…), elle est copine avec un des profs, on ne veut pas savoir comment, et elle a donné le nom de Julien pour une conférence sur l’internet et ses enjeux blablableuh auprès des jeunes merdeux comme Lili, futurs chercheurs de quelque chose (peut être d’emploi), et récents internautes.
Ca l’intéresse, les récents jeunes internautes, surtout de sexe féminin, pour d’obscurs motifs qui ne sont peut être pas sans lien avec l’alibi Do, bien connu des services de polisse quand il s’agit d’éxonérer le désir de l’intention, à moins que ce ne soit l’inverse... Ca dépend si on parle à un psikanaliste ou un moralisse, moi je suis statisticien, je n’ai donc pas de point de vue, ne disposant pas de série numérique ou structurellement numérique. Julien conférencier, il va se la péter ensuite dans ses tchats avec les autres branlotins, je le vois d’ici.
Il a préparé un plan détaillé de son exposé pour débutants, et me le tend avec un brin de fébrilité inquiète. Je regarde la feuille sans y rien comprendre, ce sont des lignes de programme, c’est quoi cette affaire Julot ? Ah non, c’est de l’autre côté. Ah oui, j’avais oublié que mon ami utilisait écologiquement ses feuilles recto verso, pas tant pas rapacité ou désir de protection des arbres, que par flemme de sortir en acheter. Tu fais recto verso, t’économise la moitié des sorties de chez toi pour acheter des ramettes, tu gagnes du temps sur la machine. Je lis son truc, vous pouvez noter si vous avez un topo pour débutant à faire grâce à votre soeur...
Ca commence par le début, au sens de mon pote, savoir comment virer ouindaube, les partitions de disque, un petit topo goguenard sur le fonctionnement de fdisk, et le téléchargement d’un linux, le seul bon système d’exploitation, au bon endroit, sur le site à Riton qui n’a que de la bonne, pas dans une distrib pour ptite bite (vous savez, les CD d’installation pour faignasse où yaka cliquer). Ensuite, il expose les protocoles de manière fort compréhensible pour un ingénieur spécialisé. Il a ajouté à la main qu’il faudrait traiter avant des couches de l’OSI, parce que c’est sûr que si on faire courir les bits sur les paires torsadées, faut savoir ça…
Utiliser frivolement des applicatifs sans connaître le RTC, les OS, la BLR, le RNIS, les xDSL, et le reste que je vous épargne, c’est top blaireau pour lui, comme qui dirait que les porcs USB sont élevés en Bretagne par Enst, ce pourquoi ils sont meilleurs que les porcs par Halel. Il commence à détailler les architectures client serveur, et ça s’arrête là. Je suis interloqué, et il se méprend. T’inquiète, c’est juste le début s’excuse-t-il, les bases que si tu connais pas, tu comprends rien au reste. Mon silence éloquent parle de travers à sa cervelle, il y perçoit quelque condescendance. Il se justifie, bon, c’est des débutants, faut que je fasse simple, c’est pas une touze de l’IETF, et mon état catastrophé empire.
Julien, malheureux, ils ne vont rien comprendre, il savent juste cliquer sur une e-conne, en plus ils n’en ont rien à foutre, c’est pas leur domaine, ce sont des u-ti-li-sa-teurs. Il se rebiffe, le mauvais pédago, en changeant de registre comme il a enfin compris, en fréquentant les forums, qu’il faut faire pour niquer l’ennemi. Alors, me riposte-t-il, monsieur est du genre élitisse, comme qui disait que les ouvriers ont pas besoin de savoir lire, c’est ça, hein, les utilisateurs, c’est que des pignoufs, et il me persifle dans les oreilles comme ça quelques temps sur les alliés objectifs des faiseurs de daube, et que j’userais d’internet exploser que ça l’étonnerait pas.
Je le recentre avec le calme que vous me connaissez lorsque je cause d’un truc dont je me fous bien. Certes, il n’y a pas de mérite, mais c’est quand même du travail d’arriver à se foutre de suffisamment de choses pour pouvoir causer tranquillement avec plus de monde. Nickname, tête en bois, même moi, je ne comprendrais pas tout, d’accord, je suis moins fort que toi, mais quad même... Ca le trouble un peu, il me jette un œil en coin pour s’assurer que je ne blague pas, dit hmm, pfff, bon…
Ok, tu ferais comment, consent-il.
Je lui dis que premièrement, il vire tous les sigles et tous les mots en anglais, sauf internet et mail ce qui le fait bondir. Kwa ! comment tu veux que je parle sans les mots, comment tu dis OSI en français, et GNU, hein ? J’emploie à mon tour la routine éculée qui consiste à lui demander de ne pas m’interrompre vu que je ne l’interromps pas, ce qu’à dire vrai je n’avais pas eu l’occasion de faire. N’empêche, ça marche. Je lui conseille de débuter à partir des applications qu’ils utilisent, de parler des problèmes de connexion, de virus, que sais-je, de dire un mot sur les questions actuelles sur la liberté de navigation, la sécurité, l’intimité, l’accès, bon, les choses de base quoi.
Il fait hmm hmm et nous causons d’autres choses qui l’intéressent aussi, comme le comportement puant du nouvel Op level 300 sur le chat #quitestoi, ou le débugage dans windows XP. Ayant résolu tous les problèmes majeurs que posent ces thèmes fondamentaux (on descend le nouvel Op à level 100 pour lui envoyer le message sans fioritures, et on n’utilise pas ouindaubicspé, mais un linux [2], on va se coucher, dit-on. En fait on va voir en ligne ce qu’il y a de nouveau depuis deux heures, chacun dans son coin, faut jamais laisser refroidir, dure vie que la notre…
Une fois couché après avoir posté 18 jugements définitifs sur les listes à jugement définitif, je finis par dormir, et même à me réveiller sans le réveil, je vais faire mon café que j’apporte avec ce que je trouve (là, du pain rassis avec du beurre ranci et un couteau presque propre si vous tenez à savoir) près de la Machine qui veille. Julien est plus fort, il a un bricolé un truc qui déclenche la machine à café quand le réveil sonne, si jamais il se réveille avant par mégarde, il le fait sonner en changeant l’heure, et hop, ça marche. En plus, le café est près de l’ordi, mais chez lui, tout est près de tout, c’est pratique à défaut d’être spacieux.
Je sais pouvoir le trouver à cette heure sur le canal # !!!!sluty&hornymothersready4youngboys, un tchat américain nocturne, pour eux, que son animateur présente comme un concept nouveau, alors que bof, c’est plutôt éculé de sa mère, mais on y drague une fille ( ?) sympa qui voudrait connaître d’autres langues, et qui de plus a un appart sur Mulberry, entre Grand et Hester, pile l’endoit avec plein de pizzerias. Avant ça, naturellement, j’ouvre ma boîte en trempant mon pain pour bénéficier de l’amollissement dans le liquide chaud. Ne le répétez pas à ma mère, elle me tue si elle sait, mon père il s’en fout, mais c’est un deg de première, met même pas de déodorant pour poster en forum…. Ce n’est pas ce coup là que j’irai au chatroom, j’ai entre 20 conneries (money, sex, listes de diffusion, pétitions etc.) quelques trucs intéressants, dont un message du Julien. Voilà la nouvelle version, suivant mes recommandations vagues, du projet de conférence.
Ok mec, me dit-il en gros, je pars des pratiques actuelles, on fait un tour de table (c’est ma sœur qui m’a dit qu’on avait le droit, c’est bizarre), et avec ça je démarre. Sur le problème des applications, à l’aise, sûr que c’est des merdes, je les rectifie d’entrée, et dans le détail, faut pas les laisser dans l’ignorance des choses fondamentales. Ce qui conduit tout naturellement à la stabilité et la sécurité, là, topo sur le kernel, je rectifie les cons de la 2.4.15 qu’ont rien compris, puis sur les virus de macro et sur les failles d’outlook, les patchs etc. avec liens vers les sites des potes. Pour l’intimité, no blème, je fais l’historique des versions de PGP, un truc traps sur les backdoors, et emballé. Puis pour l’accès, c’est pas dur, faut que tout le monde puisse, donc initiation informatique dès maternelle à la place des conneries, et pour eux, qui n’auront donc pas eu cette chance, je leur fais un comparatif technique du cable et de l’adsl. T’es content ? Quel malheur, ce mec Nickname…Il va les gonfler sévère, les débutants rebutables. Enfin, c’est pas mon affaire, je le laisse à ses fantaisies.
On est sans rapport quelques jours, vu qu’on est occupés, lui avec sa conf et le dramatique problème de l’Op qui se la joue pti chef sur son tchat, moi avec une des énigmes du net, savoir pourquoi les sites qui ne sont plus à jour depuis perpète fournissent plus de discutants dans les médias que les sites en activité. Ce doit être que vu le temps qu’il faut consacrer à se faire médiatiser chez des gens que par ailleurs on traite de cons avec sourire entendu, et la culture physique pour entretenir la souplesse d’échine, on n’a plus le temps de s’occuper du site, que de toute manière, personne ne vient voir. Faut savoir ce qu’on veut dans la vie, pour sûr. Y en a qui sont contents quand un puissant les appelle par leur nom, y en a d’autres qui aiment bien dire qu’ils connaissent machin, détestables mais heureux.
Tiens, c’est humain, l’autre jour, je dis à un pti mec « Mouloud, ton pitt tu le tiens, autrement sinon je le tue avec les dents », il me répond pas content « d’où tu connais mon nom toi », je lui dis « quoi t’es vachement connu, qui c’est qui le connaît pas ton nom ». Il est content, enfin pas tant que moi qu’il tienne son con de chien, suis pas sûr que juste avec les dents on y arrive. Faut peut être aussi les pieds dans les rangers incrustés métal au bout, que j’ai oublié de mettre, je suis négligent avec la sécurité. Le net, c’est plus pépère que ce coin in real life quand même, parce que il n’y a pas que les pitt à cons, il y a les policiers qu’ont peur, les pires, et ceux qui ont peur de rien, les plus que pire. Enfin, je vous ennuie avec ça, c’est l’internet qui vous intéresse, pas la zoologie.
Donc, le Nickname me joint tout heureux, « mec, super, ça s’est bien passé, le prof m’a dit que je reviens dans pas longtemps ». Je suis étonné, Julien a dû avoir une illumination pédagogique. Tant mieux pour lui, et surtout pour eux. Cette curieuse histoire de conférence m’était sortie de l’esprit quand je rencontrai Lili à l’hyper poussant un caddy de coca, spaghettis et autres nourritures bio, sa petite sœur chérie, l’initiatrice de la prestation publique. On se cause en faisant la queue à la caisse, je reviens sur la question de la conférence, et, un peu embarrassée, elle me dit une chose stupéfiante, sous le sceau du secret. Elle peut y compter, on ne sait pas pourquoi, je n’arrive pas lui dire non, comme mon père, mon frère, Mouloud et bien d’autres. Elle a un don, quoi. Enfin, c’est bien triste ce qu’elle me dit.
Voilà, c’était un séminaire sur la cyberaddiction, où on présente des vrais fêlés dépendants, comme sujets d’observation. Ca s’appelle présentation de malades, étude de cas, où un truc comme ça. Après, les étudiants font un rapport d’observation, genre diagnostic psykotic névro path, skis aux frênes, c’est noté, du boulot sérieux et tout. Ca me paraît pas éthique correct, ce truc. Quoi, les zinternautes c’est des malades au delà de 200 heures mois ? Puis quoi encore, vous savez combien il y a d’heures dans un mois, analphabètes numériques ? Enfin, il paraît que ça se fait, ça me troue l’optimisme.
Mais quand même, elle est un peu gênée, Lili, ça ne lui arrive pas souvent. Ben quoi, elle dit, Julien c’est pas un vrai ptet ? Oh que si, pas de problème. Et tellement bon qu’on lui demande de revenir. Je l’engueule Lili, là c’est pas bien, j’espère que son prof lui mettra de bonnes notes pour sa traîtrise, c’est vraiment pas bien, honte sur elle. Elle s’insurge, pour qui je les prends, elle n’a pas le droit de composer sur le cas, elle, vu que c’est son frère. Et la déontologie, qu’est ce que j’en fais, non mais. Ah oui, bien sûr, excuses…