Contre l’obligation de s’identifier et
l’intimidation judiciaire.
La loi dite de « la liberté de communication », révisant la loi sur l’audiovisuel de 1986, a été votée en quatrième lecture à l’assemblée nationale le 28 juin 2000. Au chapitre 1, trois articles constituant l’amendement Bloche, traitent des droits et devoirs des fournisseurs de services internet.
Introduit en février 99 suite au procès Estelle Halliday contre AlternB, pour éviter que des procès de contenus abusifs ne soient fait aux hébergeurs, le texte voté ne règle absolument pas le problème, au contraire il l’amplifie.
Plus grave, il fait peser une inacceptable présomption de culpabilité sur quiconque souhaite s’exprimer sur internet. En effet il oblige tout internaute, dès lors que son expression est publique, c’est à dire dans la quasi-totalité des cas, à s’identifier à priori en rendant public ses nom, prénom et adresse. Et ce sans le débat public préalable à ce genre de dispositions, dans une démocratie digne de ce nom.
La France est le premier pays démocratique à s’engager ainsi dans une législation d’inspiration sécuritaire, qui porte atteinte à la libre expression de tous, et remet en cause ce qui est le fondement même du Net : la possibilité pour chacun d’exprimer librement ses opinions et d’échanger avec les autres en toute responsabilité.
Malgré l’opposition d’associations et de collectifs d’acteurs et d’utilisateurs d’internet, des défenseurs des libertés individuelles, de partis politiques comme le PRG, le PCF, les Verts, et d’élus, le gouvernement a poursuivi dans son erreur et fait voter dans la précipitation un texte imprécis, dont les dispositions inutiles et inefficaces vont multiplier les procès abusifs, au détriment des internautes et des petits hébergeurs, et au profit des marchands, des détenteurs de droits et de marques et des défenseurs de l’ordre moral. Triste recul à l’heure où l’internet ouvrait la porte à une plus grande diversité par la co-existence des différences.
La loi, nous dit-on, est une réponse aux délits constatés sur le Net. Nous disons que cette réponse est inutilement sécuritaire et inefficace.
Inutilement sécuritaire parce que les magistrats qui ont eu à juger de délits ces dernières années ont toujours identifié leurs auteurs en obtenant des hébergeurs les données de connexion (date et heure de connexion, N° IP du serveur d’accès, lequel détient les identifiants téléphoniques des auteurs).
Inefficace parce que les auteurs d’actes délictueux, les « cybercriminels » soit disant visés, savent parfaitement effacer leurs traces, et donneront tout au plus une fausse idendité.
La loi, nous dit-on « protége la liberté d’expression et consacre l’anonymat ». La liberté d’expression et l’anonymat sont des droits naturels, et il n’est besoin de nulle loi pour les consacrer. Dès lors qu’une loi en détermine l’exercice, elle les restreint. En l’occurence on serait « anonyme » en rendant publiques ses nom, prénom et adresse. Grotesque plaisanterie !
La loi, nous dit-on, va responsabiliser les citoyens, mais on leur dénie la présomption d’innoncence donc leur responsabilité.et on met de plus en doute l’efficacité des lois de la république, qui s’appliquent évidemment sur le Net..
Nous refusons de nous identifier ou d’identifier les autres.
Nous refusons le contrôle insidieux des contenus au nom de la décence.
Et puisque toute communication laisse des traces numériques, nous en sommes réduits, paradoxalement, à revendiquer ce que nous refusions il y a 20 ans :
« NOUS SOMMES TOUS DES NUMEROS ! » |