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La Saga des Markés
25 juin 2001
 
mardi 19 juin 2001
La Saga des Markés

Premier tableau

Du point com au point net
par Lirresponsable et lagadu
 
 

La scène se passe en France, en pleine vague de licenciements dits restructuration des Grands Groupes afin d’atteindre les fameux 15% de
rendement pour les actionnaires. Le 29 mars, Antoine Riboud, le PDG de Danone (chiffres d’affaires pour 2000 de 14,3 milliards d’euros), décide
de supprimer 1 780 emplois en Europe dont 570 en France : les usines bénéficiaires de Calais, Ris-Orangis et Château-Thierry. Les salariés de
deux usines Danone (Calais et Ris-Orangis) menacées de fermeture, essaient d’échapper à leur sort. Grèves, recherches de soutiens
médiatiques, idée nouvelle en France : le boycott comme arme de lutte sociale.

Un bureau d’Agence dans un centre ville.

Scène 1

Luttes sociales virtuelles

Jaimaldormi7nuits. — Ah la la la la la ! (Il se tape la tête)

Bègue-des-ders. — Qu’y a-t-il encore ! Je t’avais dit de ne pas finir ta Bavaria™.

Jaimaldormi7nuits. — Ah la la la la la ! Je suis tout bouleversé par ce qui se passe !

Bègue-des-ders. — Mais quoi donc, cher couillon ? Jimmy™ ne diffuse plus Casimir™ ?

Jaimaldormi7nuits. — Non ! Les êtres humains ne sont pas des yaourts quand même !

Bègue-des-ders. — Quoi ? Qu’est-ce que c’est que cette histoire de yaourts ?... (Inquiet) C’est la nouvelle tendance hype-fashion-fooding ? Et tu ne m’en as rien dit ! Shit ! Vite chez Gauchon™ ! Ah non... j’ai ma séance de dédicaces et après
mon séminaire de communication... (Il prend son portable :) Allo coco, tu peux aller m’acheter des yaourts... oui plein... Quelle marque ? Je m’en fous, tu remplis le frigo™ !

Jaimaldormi7nuits. — Meuh non qu’il est bête ! C’est le Boss chief-executor de Danone™... Il veut licencier tout plein d’gens...

Bègue-des-ders. — Hein ? Mais qu’est-ce que tu veux que ça me foute, sombre demeuré ! (Il reprend son portable) Allo coco, tu forget pour les yaourts... oui c’est l’autre crétin... oui c’est ça, j’t’expliquerai...

Jaimaldormi7nuits. — Ah la la le méchant ! Insensible comme Terminator I™ ! Ou Golgoth 40™. (il pleure par terre sur la moquette)

Bègue-des-ders. — Non mais sérieux... (à genoux d’une voix paternelle) C’est pas grave, tu sais, ça arrive tous les jours, partout dans le monde, à chaque instant, c’est la vie... Allez, n’y pensons plus ! Et si on allait aux Bains™ ce soir, se moquer des ploucs qui y vont ? Y’ a une soirée Albator™ ?

Jaimaldormi7nuits. — Tu ne comprends donc pas ? (en colère, puis outré) Les êtres humains ne sont pas des yaourts quand même ! J’hallucine total grave là !

Bègue-des-ders. — Si, si bien sûr... c’est terrible. Bon... Tu veux qu’on fasse une manif’ là ? (Il rigole)

Jaimaldormi7nuits. — Je ne sais pas moi... Je ne suis pas un pro de l’agit-prop, mais je sais que je suis vraiment choqué par toute cette affaire...

Bègue-des-ders. — Bon, réfléchissons... Et un site Internet, tu y as pensé ?

Jaimaldormi7nuits. — Ah non, mais tu sais bien que je suis webmaster donc moi la technique, tout ça, j’connais pas trop. (Il se retourne vers un micro) Enfin si regarde, sur le site là, trop mortel, l’image animée là, le bonhomme, il ouvre son imper, et on voit son zob... hi ! hi ! hi ! hi... .

Bègue-des-ders. — (A part) Mouais, c’est pas gagné...

Jaimaldormi7nuits. —... Ouais et puis mate celle-là ! Kiffant là, la nana elle suce un ours...

Bègue-des-ders. — Bon alors cela te plaît cette idée d’un site Internet ?

Jaimaldormi7nuits. — Oui, oui, oui !

Bègue-des-ders. — Good. Faut trouver le nom maintenant... (soupir)... t’as une idée ?... Non excuse moi, je réfléchis...

Jaimaldormi7nuits. — (tout fier) J’ai déjà la fin du nom !

Bègue-des-ders. — Ah ?

Jaimaldormi7nuits. — Point comme.

Bègue-des-ders. — Oui merci de ta participation... Il y a combien de licenciés en tout ?

Jaimaldormi7nuits. — Plein, plein, plein... Ah tu veux un chiffre ? 570, je crois...

Bègue-des-ders. — Ben voilà ! « 570licenciés.com ! »

Jaimaldormi7nuits. — C’est nul.

Bègue-des-ders. — Tu rigoles, mon 99F s’est vendu à 3 millions d’exemplaires ! Et Dieu sait que j’ai dû batailler ferme avec cette canaille d’éditeur pour qu’il accepte mon projet avant-gardiste néo-situ. Tous ces cons qui trustent les places de décisions à pouvoir, issus de Mai 68™ et qui lisent Libération™... Ils ne connaissent rien au marketing moderne...

Jaimaldormi7nuits. — Oui, tu me l’as déjà raconté... Et on a déjà fait plusieurs numéros dessus... N’empêche c’est nul. J’aime pas.

Bègue-des-ders. — Et « Jaimepaslesyaourts.com » ?

Jaimaldormi7nuits. — Ah pas mal !

Bègue-des-ders. — Ouais, donc c’est nul... Voyons, et le gars que t’as envoyé pour le reportage, les gens là-bas, ils disent quoi, au fait, les gens ?

Jaimaldormi7nuits. — Euh, chais pas, je finissais Zelda V™ quand le mec m’a raconté... Enfin, ils parlent, les gens, de boycott, encore un truc crypto-gay si tu veux mon avis...

Bègue-des-ders. — Je l’ai : « Jeboycottedanone.com » !

Jaimaldormi7nuits. — Ouais, cool ! On va faire des photos avec des mecs qui font des jumelles en pots de yaourt... Ouha le délire... Tu sais comme quand on était petit et qu’on faisait des téléphones avec des yaourts, ou à la cantine...

Bègue-des-ders. — Bon je te laisse, faut que je file aux studios !

Scène 2

First Blood

Jaimaldormi7nuits. — (il chante  :)

"Zéro licenciement à Calais,

Ris-Orangis, Chateau-Thierry et Jussy.

Merci à tous, les zamis,

Ce qui m’arrive est trop laid !

Ne m’apportez pas de yaourts,

Non surtout pas de yaourts,

Soyez bons,

Quand je serai en prison."

Bègue-des-ders. — Qu’est-ce qui t’arrive ? Encore plein de malheurs ?

Jaimaldormi7nuits. — Oui c’est vraiment trop injuste™ !

Bègue-des-ders. — Vazzy™, raconte !

Jaimaldormi7nuits. — C’est un samedi matin. Tout d’un coup, votre concierge vous amène une grosse enveloppe. Vous l’ouvrez et vous n’en croyez pas vos yeux...

Bègue-des-ders. — Non laisse moi deviner ! Tu as acheté de l’herbe par le Net ?

Jaimaldormi7nuits. — Pouah non ! Sur Internet, c’est plein de hackers qui lisent dans ta carte bleue... Non, c’est... C’est... c’est... une catastrophe !

Bègue-des-ders. — Ben accouche !

Jaimaldormi7nuits. — Le super-site Internet qu’on a fait (enfin avec d’autres)... Bien Monsieur Riboubou demande 100 000 francs pour le préjudice causé, 500 000 francs de frais de publication judiciaire et jusqu’à un million de francs d’astreinte par jour... Tu savais que ça
existait de telles sommes d’argent avec autant de zéro derrière ?... Enfin, sûrement avec la banque en ligne de ton frère...

Bègue-des-ders. — Ah putain bloody fucking bullshit ! Je t’ai déjà dit de ne pas en parler, t’es vraiment super con, toi ! Ah le lourd ! Enfin c’est pas grave, y’a que des camés ici...

Jaimaldormi7nuits. — T’es pas gentil ! Mais qu’est-ce qu’on va faire maintenant... Appeler le Capitaine Flam™ ?

Bègue-des-ders. — Non, tu sais bien que c’est un dessin animé.

Jaimaldormi7nuits. — Ouais mais des fois, je me prends à rêver qu’il existe...

Bègue-des-ders. — Bon, bon ne paniquons pas... Le plan, je t’explique : on est les gentils qui créent du débat social & citoyen, et de la liberté face à la tyrannie des marques. Il y a le bouquin de la canadienne qui vient d’être traduit là dessus, tu sais les Logos des compagnies, et tout... Et puis avec mes potes du CCP, tu sais les Adbusters de Vincennes.

Jaimaldormi7nuits. — On fait un badge « Touche-pas-à-ma-marque » ?

Bègue-des-ders. — Mais non ! Le retour des badges c’est dans deux mois (et le pin’s dans six). Et puis là, c’est le contraire enfin ! T’es con ou tu fais exprès ! C’est Danone qui dit « Touche pas à ma marque ».

Jaimaldormi7nuits. — Mais arrête de m’engueuler ! Moi je trouve que c’est une bonne idée un badge à 100.000 Francs. Je sais pas comment je vais faire pour payer autrement... Vendre mes images des Chevaliers du Zodiaque, JAMAIS !

Bègue-des-ders. — ... Je vais me prendre un diet-pepsy™... (Il revient) Remarque, je viens d’avoir une idée (oui, je sais, je suis très bon), et si tu montais une assoc’, et qu’on mettait des politiques dans le coup. Les belles montres, y’a pas que J.Dray que cela intéresse...

Jaimaldormi7nuits. — Pffff... Les politiques d’abord, ils sont tous pourris ! Et nous les jeunes, on en a marre de pas pouvoir organiser des raves.

Bègue-des-ders. — Attends, dans la pièce, on est tout seul là !

Jaimaldormi7nuits. — Je sais, je m’entraîne. (il chante :)

"Zéro licenciement à Calais,

Ris-Orangis, Chateau-Thierry et Jussy.

Merci à tous, les zamis,

Ce qui m’arrive est trop laid !

Ne m’apportez pas de yaourts,

Non surtout pas de yaourts,

Soyez bons,

Quand je serai en prison."

Bègue-des-ders. — Arrête putain, chier, quoi, merde alors !

Jaimaldormi7nuits. — Tu préfères que je chante X-Or™ le shérif de l’Espace ?

Bègue-des-ders. — Non ! J’essaie de te tirer du pétrin, alors la ferme !

Jaimaldormi7nuits. — Ah môssieur réfléchit !

Bègue-des-ders. — Il faut bien qu’on divise les tâches suivant les compétences. Les créas doivent décider. Cela a toujours été le discours que je tenais à la Young™, après 23 heures. Bon, soyons pragmatiques. Déjà, il te faut un avocat.

Jaimaldormi7nuits. — Hein ? Ah non, je ne veux pas de Me Collard !

Bègue-des-ders. — Mais il n’y a pas que lui sur la place ! Non, il nous faut un spécialiste.

Jaimaldormi7nuits. — Je veux Ally Mac Bell™ !

Bègue-des-ders. — Arrête de faire l’enfant, il nous faut quelqu’un d’en vue (il prend son portable) Allo coco, tu vas m’acheter Les Echos, mon lapin ? Merci, t’es un chou.

Jaimaldormi7nuits. — Ou Tracy Lord, si possible... (en gloussant) Quelle salope...

Bègue-des-ders. — Non, je vais demander à mon pote Pierrafeux de régler ça.

Jaimaldormi7nuits. — Pffff... N’importe quoi ! Faut redescendre un peu sur terre, si tu crois qu’un coup de massue sur la tête du juge va régler l’affaire...

Bègue-des-ders. — Mais quel lourd ! Mon ami Pierrafeux, l’avocat, celui qui gère mon affaire de livre numérique.

Jaimaldormi7nuits. — Mais t’as combien d’affaires au fait, tu m’as jamais dit ?

Bègue-des-ders. — T’occupe. Tiens, écoute plutôt le Choeur...

Le Choeur :

Nous nous déclarons scandalisés,

Oui à la critique des marques,

Oui à la liberté d’expression !

Hébergeons, hébergeons, hébergeons...

La mondialisation libérale et ses agents,

Veulent étouffer toute statement critique,

Un combat d’aujourd’hui :

La République, République, République !

 
 
Lirresponsable et lagadu
 

Dans la première représentation, le fils du pompier n’intervient pas.

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25 juin 2001

AMOK-FAAA
Memento finis

6 octobre 2003
19 décembre 2000
13 septembre 2001
14 février 2002
 
SPIP
Web indépendant


> Statemance
19 juin 2001, message de Tiresias
 

Ainsi, quelqu’un a validé ce texte courageux, qui rompt avec les structures banales de l’article made in uzine, pour donner enfin la théatralisation qui convient aux aventures parisiennes du microcosmisme on line.

Bravo les gars, mais je regrette que vous n’ayiez pas osé versifier, c’eût été beau comme l’antique. Alors que là, c’est un peu chiant à lire parfois. Si je peux me permettre ce mini statement critique...

(Au fait, j’ai la réponse à la question de l’autre jour sur la queue des castors).

Etiam et etiam, vale

le grec

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> Premier tableau
19 juin 2001, message de sam
 

Il y a un truc que je ne comprends pas.

Voila : les logos, on fait tout pour que ça nous rentre tellement dans le cigare que ça en devienne un synonyme du nom de la marque ; on met le paquet et ça marche.

Alors il faut pas ensuite nous faire des procès quand on les utilise comme synonyme du nom de la marque en invoquant une sorte de plagiat artistique ou d’atteinte aux droits d’auteur.

Si on a le droit d’utiliser le nom tant qu’il n’y a pas de confusion possible quant à l’identité de l’utilisateur (ainsi dans "je_boycotte_Danone", c’est pas Monsieur Danone), je ne comprends pas pourquoi ça poserait un problème d’utiliser le logo dans les mêmes conditions.

L’argument de la propriété artistique est évidemment une grossière couillonnade et une inqualifiable hypocrisie.

Qu’attendent nos chers élus pour se pencher sur cette sombre question ?

(Rappel un peu pareil : les mannequins, leurs truc c’est de se montrer à poil pour faire admirer leur plastique et gagner de la monnaie, mais quand un ancien ami, qu’on avait laissé admirer et photographier la dite plastique, la met sur le Web, on n’embête évidemment pas cet ami - c’est, je le rappelle, un ami - mais on demande 40 patates à Valentin Lacambre et on fait fermer l’un des derniers hébergeurs libertaires. Elle est belle la France ; et attendez, c’est pas fini.)

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> Moi logo, 19 juin 2001

Petite précision, Valentin Lacambre n’a pas été fermé, ni n’a fermé à cause des photos de la donzelle nue
il a décidé de fermer pour ne pas avoir à fliquer ses utilisateurs, suite au vote des amendements
"Bloche m’a tuer". Au vu de ce que prévoit la LSI, il a eu plus que raison.

Pour ce qui est de la marque semi-visuelle, c’est comme celà qu’en jargon juridique
on apelle le logo, et de la marque verbale, le bon sens est de votre côté. Mais ce n’est malheureusement
pas le bon sens qui préside en la matière mais la dura lex, et la loi de la "maille".

Je pense personellement que chacun de nous pourrait se représenter par une marque
semi-visuelle, se déposer, et attaquer quiconque osera le représenter à l’aide d’icelle.
Ca encombrera les prétoires, les bureaux des juges, et les colonnes de nos meilleurs
tabloides. Mais aussi s’afficher sur les murs. C’est ce qu’a tenté avant la lettre Prince.
Il s’est planté parce qu’il s’est juste trompé d’intention.

lag.

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> Moi logo, sam, 20 juin 2001

Sans vouloir polémiquer, mais pas davantage laisser croire que j’écris des choses inexactes... nous sommes d’accord.
Valentin Lacambre n’a pas fermé la totalité d’Altern, mais a mis fin à l’hébergement libre (je le sais, j’y étais) ; et ce n’est pas la vue d’Estelle H. nue qui l’a conduit à fermer cela, mais l’écoeurement et l’impossibilité d’assumer des douzaines de condamnations de cette nature après le jugement inique rendu par le juge en charge de l’affaire.
Bon, faut que j’arrête de causer de ça, ou je sens que je risque d’écrire des choses inélégantes concernant cette dame qui continue de plastronner à la télé.

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