racine uZine

Dans la même rubrique
Internet & Journalisme
 
mercredi 7 mars 2001
A l’origine du mal journalistique (2)

A quand le grand brassage ?

par Arnaud Gonzague
 

Le journalisme français souffre d’un mal chronique : le cloisonnement social. Accaparé par une fraction de la population, il n’assure pas le devoir de représentativité qui est le sien. Comment sortir de l’impasse ?

Chaque année depuis près d’une décennie, des sondages révèlent que le fossé séparant les journalistes et l’opinion publique s’accroît : chaque année, ils apparaissent un peu plus menteurs, superficiels, connivents, arrogants, sans que personne, et surtout pas eux, n’y puisse rien faire. Est-ce que la qualité de la presse, des médias et de ceux qui la composent est à ce point en déclin ? On peut raisonnablement en douter, tant il est vrai que le discours anti-journalistes a toujours habité notre inconscient collectif.

Mais parmi les réponses à chercher pour expliquer cette désaffection, il est un élément sous-estimé : la population ne se reconnaît plus des médias, car le journalisme français souffre d’hypertrophie. La profession est en effet recroquevillée sur une masse homogène d’individus issus des mêmes catégories sociales : celles des professions intellectuelles et des catégories socioprofessionnelles supérieures. La petite et grande bourgeoisie, disait-on jadis.

De ce verrouillage de classe, découlent naturellement d’autres cloisonnements, notamment ethniques : ainsi, dans les rédactions de la presse nationale et plus encore de la télévision, chacun sait que les journalistes « issus de l’immigration » nord-africaine ou asiatique sont aussi rares que les fils d’agriculteurs ou d’ouvriers (sans parler de la misogynie des pratiques, qui conduit à recruter beaucoup de femmes, mais à des postes souvent subalternes ; c’est un autre débat). Bien sûr, la réalité est toujours complexe et multiforme et les exceptions existent. Mais le constat est là : une fraction infime de la population française accapare à l’exclusive les postes de rédaction et d’encadrement dans les médias. Comment s’étonner alors que les Français ne partagent pas les vues de ceux qui sont censés parler d’eux, de ce qu’ils sont, de ce qu’ils vivent au quotidien, de ce qu’ils pensent et ressentent ?

Il ne s’agit pas de dire ici que les patrons de presse, les chefs de services ou les responsables d’écoles de journalisme ont fomenté un complot élitiste ou raciste : le métier s’atrophie simplement par la manière paresseuse et frileuse qu’il a de recruter les siens.

1. Le complot de la paresse et de la frilosité

Il y a deux manières de recruter des journalistes : « sur le tas » ou via les écoles. Nous avons déjà exposé [1] combien le paysage médiatique français était grevé par le recours presque compulsif au népotisme, aussi appelé « piston » ; combien il était fréquent, notoire et accepté que le fils, le neveu ou le cousin de monsieur Machin obtienne une place à un poste qu’il ne viendrait pas à l’idée de confier à un « étranger ». On comprend combien le mécanisme de cloisonnement de classe peut s’exercer dans ce cadre. Il est vrai qu’on est rarement issu d’une famille ouvrière algérienne résidant à Mantes-la-Jolie quand son oncle est chef de service au Nouvel Observateur ou à France 2...

C’est l’essence même de ce complot de la paresse et de la frilosité : celui-ci fait choisir par facilité, mais aussi, disons-le, par solidarité de classe, ceux dont on sait qu’ils penseront, écriront, filmeront comme vous. La chose se pratique toujours plus ou moins inconsciemment, comme le note le sociologue Alain Accardo, qui parle d’un « mécanisme de cooptation, qui assure (...) un recrutement évitant, dans la plupart des cas, de faire renards au poulailler et des hérétiques à la messe. (...) Ainsi les médias sont-ils solidement tenus en main par un réseau à qui il suffit de travailler "comme il sent" pour (...) défendre les normes et valeurs du modèle dominant » [2].

Dans cette optique, nous l’avons déjà noté [3], les écoles de journalisme peuvent apparaître comme des boucliers salutaires à cette « société du piston », en mettant sur le marché du travail des fils d’ouvriers, de provinciaux, de banlieusards... Cependant, il serait malhonnête de nier un fait : la grande majorité des diplômés des écoles sont eux aussi issus des classes aisées et intellectuelles. Ils symbolisent un verrouillage social presque aussi inacceptable que le premier. À titre d’exemple, il est révélateur que le Centre de formation des journalistes (CFJ) n’ait mis sur le marché qu’UN SEUL journaliste noir depuis sa création, il y a plus de cinquante ans ! Est-ce à dire que les écoles sont racistes et élitistes ? Non. Tous ceux qui ont passé les concours des écoles peuvent en témoigner : il n’y a presque aucun Noir, Nord-Africain, Asiatique qui y postulent, et peu de fils de banlieusards ou d’ouvriers. On voit alors que le problème du recrutement et de l’exclusion dépasse largement le cadre des écoles. Mais ceci ne doit pas les absoudre de participer à ce complot paresseux et frileux. Nous reviendrons sur ce point.

2. Le devoir de représentativité

Certains diront : pourquoi s’étonner et s’alarmer d’un cloisonnement social qui n’est pas l’apanage des médias ? Après tout, il n’y a pas beaucoup de fils d’ouvriers, d’immigrés, de paysans qui soient ingénieurs, médecins ou énarques. La « reproduction sociale » dans ces cas-là est tout aussi injuste. Certes, mais il est peu de métiers où cette reproduction soit aussi grave et dangereuse que dans le journalisme (sauf peut-être en politique). Car un ingénieur issu d’une famille de cadres a de bonnes chances de concevoir des ponts aussi solides qu’un ingénieur fils de banlieusards. Au contraire, le journalisme se nourrit du vivant, de la diversité des expériences et des parcours personnels. Uniformisez les cursus, les origines socio-géographico-ethniques, vous déboucherez sur des articles et reportages dont les idées, les angles d’approche et les conclusions seront peu ou prou semblables. On appelle ça aussi « pensée unique ».

On pourra rétorquer : pourquoi classer les gens dans des tiroirs ? Est-ce qu’un fils de cadre défend forcément la domination des classes aisées ? Non, on en connaît qui sont humanistes, de gauche, soucieux de justice sociale. De même, on connaît toujours un self-made man issu des milieux ouvriers qui est un défenseur virulent du capitalisme sauvage. Alors, au fond, l’important n’est-il pas de vouloir servir l’information honnêtement ? Cette remarque est exacte, mais naïve, car elle résume les rapports de lutte de classe à un partisanisme borné des acteurs sociaux. Or, le jeu des classes sociales nous immerge tous, de manière inconsciente. En clair : un journaliste issu de la bourgeoisie peut bien être sincèrement de gauche, ça n’en fera pas un individu représentatif de ce que vivent et pensent les classes modestes.

En réalité, quand il s’agit de trouver une idée d’article et un angle pour l’effectuer, chaque journaliste reproduit dans son travail les préjugés et a priori, fondés ou non, qu’il a sur telle ou telle question et qui proviennent de son vécu. Le moteur d’un journaliste, ce sont les idées. Et les idées ne tombent pas du ciel. Elles peuvent être dictées par l’actualité, mais surtout par ce que le journaliste a vu, entendu, connu, vécu, par ce qu’il est, par le milieu qu’il fréquente ou qu’il a fréquenté. Concrètement, un journaliste aura peu de chances d’avoir des idées originales, bien pensées et futées sur les « banlieues chaudes » ou la « France rurale » quand il n’y a jamais mis les pieds. De même, un journaliste qui n’a jamais ouvert un roman aura peu de chance de vouloir aller interviewer Houellebecq. Ces omissions sont tout à fait naturelles.

Dans les rédactions, qu’il y ait peu de gens issues des classes modestes, il y aura peu de reportages sur les classes modestes. De plus, quand un journaliste ne défend pas bec et ongles des sujets « difficiles » comme la banlieue, le RMI, les SDF, on sait qu’il a peu de chances de les traiter. Car même s’il a des idées « futées », encore faut-il qu’elles satisfassent aux préjugés et critères de son supérieur hiérarchique, souvent issu de l’élite... En résumé, on comprend que certains sujets soient si peu traités en presse nationale et moins encore à la télévision.

Et quand bien même les idées passent au travers des mailles du filet, reste leur traitement. Qu’on donne à réaliser un reportage sur le RMI à un journaliste issu de la bourgeoisie, il ira rencontrer des Rmistes, s’intéressera à leur quotidien et posera des questions pour comprendre ce que c’est que d’être Rmiste. Il fera donc son travail d’où il pourra en ressortir un article intéressant, fouillé, voire humaniste. Mais deux fois sur trois, le reportage se fera rapidement et comme le journaliste maîtrise mal le sujet, il manquera un petit détail anodin extrêmement important pour être « dans le vrai » (il ne faut pas oublier que c’est le journaliste qui pose les questions et les bonnes questions sont posées quand on cerne déjà un peu le sujet). Ou pire : dans son article, perlera à coup sûr une petite remarque complètement à côté de la plaque. Une remarque qu’un journaliste dont le père ou le frère a été Rmiste ne commettrait jamais. Bref, le journaliste aura été sincère et sérieux, mais les lecteurs qui savent ce qu’est le RMI se sentiront un peu floués ou en colère. Et les autres seront induits en erreur.

Est-ce à dire qu’il faut que les journalistes aient tout connu, tout vécu pour exercer correctement ? Non, bien sûr. Il ne s’agit pas que chacun soit enfermé dans un seul domaine. Il ne s’agit pas non plus que seuls les fils d’immigrés parlent d’immigration et les bourgeois de bourgeoisie. Mais tout est question d’équilibre et de mélange. Il est essentiel que les rédactions soient mélangées, que les thèmes proposés soient diversement perçus, discutés, argumentés. Un journalisme qui n’assure pas un brassage socio-ethnique devient moutonnier, sot, malhabile et perd toute crédibilité aux yeux d’une opinion publique qui, elle, vit dans la « vraie vie ».

3. Sortir du cloisonnement

Quelles sont les solutions pour échapper à cette hypertrophie ? Faut-il instituer des quotas dans les écoles et les rédactions, faire de la discrimination positive pour que les « exclus » y pénètrent ? La solution semble difficile à cautionner et, paradoxalement, contraire aux principes d’égalité des chances. En réalité, pas de miracle : il faut qu’un vigoureux effort d’information soit fait dans les milieux « exclus », et ce, dès le plus jeune âge.

Beaucoup de lycéens ne savent même pas ce qu’est le métier de journaliste, sauf ceux dont le père, le frère, le cousin en est. Comment ne peut-il pas y avoir de « reproduction sociale » ? Il faut que les écoles de journalisme demandent à leurs « anciens » d’aller passer un après-midi dans un lycée modeste, dans une université de banlieue, pour expliquer ce en quoi consiste leur métier, comment y parvenir, etc. Chaque journaliste peut aussi décider de son propre chef de se mettre à la tâche. C’est le meilleur moyen pour susciter des vocations et faire comprendre à ceux qui l’ignoraient combien il est facile (avec du travail et de la méthode) d’exercer cette profession. Cette action apparaît indispensable pour casser les déterminismes sociaux.
De même qu’il est indispensable de s’empêcher par tous les moyens de céder à la paresse : refuser de faire travailler le fils, la fille, le neveu etc., s’opposer à ce que les autres le fassent en dénonçant cette pratique dans les conférences de rédaction. Il faut dans les médias jeter un discrédit véhément et définitif sur le « piston », qui nuit à l’égalité des chances et pire, à la qualité de la presse. C’est peut-être un début pour commencer à fermer la plaie béante entre les Français et leurs médias.

 

[2Alain Accardo, Derrière la subjectivité des journalistes, Le Monde Diplomatique, mai 2000.

[3Ibid.

 
 
Arnaud Gonzague
Imprimer
format impression

Journaliste

 
SPIP
Web indépendant


> A quand le grand brassage ?
15 septembre 2004, message de Ali
 

La sphère du journalisme,en France, manque de pertinence.Le debat doit etre nourri, et pour cela il faut que les milieux socio-culturels, dont son isuus les journalistes, se diversifient.Nous vous remerçions d’avoir soulevé la question !!!

Répondre


LES JOURNALISTES NOUS PRENNENT POUR DES IDIOTS
23 octobre 2003
 

Pourquoi les journalistes ne parlent pas de nos problemes à nous ? les vrais !
le chomage, le sida, la globalisation etc.

Les journalistes sortent des articles copiés collés. Aucun esprit de synthèse, ni d’analyse.

Souvent hors sujets !
Souvent hors de nos vies.
Bref des médias qui ne s’interessent pas à NOUS.

Des médias pour qui le chiffre d’affaire est le plus important. L’audimat etc.
La coupe du monde super, mais les exclus, le racisme, le rmi, etc , vous en parlez ?
je veux dire : quelles sont les origines et quelles sont ls solutions ?

Bref, aucune volonté de vouloir rendre les gens plus intelligents !

Répondre


UNE INITIATIVE DU CFJ
16 décembre 2002, message de arnaud gonzague
 

Le CFJ fonde la Bourse Julien Prunet

La direction du Centre de Formation des Journalistes (CFJ) et l’Association des anciens élèves ont décidé de mettre en place pour la rentrée 2003 une Bourse Julien Prunet, en hommage au jeune journaliste aveugle, diplômé du CFJ, disparu en mai dernier.

- PRINCIPE
Permettre à une personne ayant un profil « atypique » de suivre la formation du CFJ (20 mois de formation professionnelle multimédias : presse écrite, édition, agence, Internet, radio et télévision avec spécialisation, en fin de parcours, dans le média de son choix), sans passer le concours d’entrée traditionnel.
C’est une porte ouverte pour quelqu’un de motivé, mais qui ne correspond pas - ou plus - aux critères d’entrée actuels (âge, diplômes, handicap physique…). Il devra ne jamais s’être présenté au concours de l’école. Nous souhaitons accueillir cette personne qui va nous faire bénéficier de son petit « quelque chose » de différent.

- MODALITES DU CONCOURS
Les candidats pourront retirer un dossier d’inscription à partir de janvier 2003 auprès du secrétariat du CFJ (curriculum vitae indispensable). Ce dossier sera constitué, outre les renseignements administratifs habituels, d’une lettre de candidature qui devra répondre aux questions : en quoi suis-je « atypique » par rapport aux critères de CFJ ? Pourquoi ai-je envie de faire ce métier ? Par ailleurs, une production sur un thème donné - différent chaque année - et traité sur le support de son choix (presse écrite, radio, vidéo) devra être réalisée et soumise à l’approbation du jury.
Ce jury sera composé de trois représentants du CFJ, de deux représentants de l’Association des anciens et d’une personnalité extérieure, désignée chaque année. Il se réunira à la fin du mois de mai 2003, afin de désigner le lauréat qui intégrera la première année du CFJ en octobre 2003, pour 20 mois d’études non-stop (pas de vacances universitaires).

Attention : Le programme des études, très dense, ne permet pas d’avoir une activité salariée durant cette période. Le Bureau des élèves propose un éventail de piges constituant un complément de ressources. Par ailleurs, le CFJ et l’Association des anciens étudient actuellement la possibilité de faire financer les études du lauréat de la Bourse Julien Prunet.

Pour plus d’informations :
Centre de Formation des Journalistes, 35 rue du Louvre, 75002 Paris
Aline Réale, secrétaire générale : areale@cfpj.com

Répondre


> Merci
16 mars 2002, message de Personne
 

J’ ai lu les articles de Mr Gonzague et je tiens a le feliciter pour la pertinence de ses idees et l’ethique qui semble le gouverner. Un journaliste tel qu’il en faudrait plus.

Répondre


> A quand le grand brassage ?
25 mars 2001, message de Rocky
 

Tu parles de qui, là ? des journalistes des média parisiens ? Du Figaro, du Nouvel Obs, du Point, des télés ? Sors de ton arrondissement, un jour, et viens voir en province, tu risques d’y voir des journalistes qui ne correspondent pas à tes clichés.
Par ailleurs, à propos d’Houellebecq, j’ai plutôt l’impression que, justement, si on a lu des romans -autres que le (les ?) sien - on risque moins d’avoir envie d’aller l’interviouwer que si on n’en a jamais lu. Mais ça, c’est affaire de goût.
JR, journaliste (en province)

Répondre
> A quand le grand brassage ?, 26 mars 2001

Oui, effectivement, les deux articles que j’ai publié sur le MiniRezo parlent tous les deux de la presse nationale et je l’écris, y a pas tromperie sur la marchandise. J’ai déjà travaillé en presse régionale, mais je ne m’estime pas suffisamment compétent pour dire que le piston y joue un grand rôle. Ce n’est pas un oubli, cher Rocky, c’est de l’honnêteté intellectuelle.

Quant à dire que la race des journalistes de presse locale et leur travail est bien plus remarquable que celui de la presse nationale, alors là, permets moi de m’esclaffer. Je ne vais pas entrer dans les détails, car je n’ai ni la place ni le temps, mais j’en ai tâté assez pour savoir que ce n’est pas le journalisme dont on peut honnêtement rêver si l’on veut réformer ce métier.
Mais je suis optimiste : je pense que cette presse ne va cesser de se moderniser et d’évoluer dans le bon sens.

Je te laisse sur ce bon papier du Diplo sur le journalisme de province :
http://www.monde-diplomatique.fr/1996/11/DESCAMPS/7444.html

A

Répondre
> A quand le grand brassage ?, Jean Roquecave, 29 mars 2001

Je n’ai jamais dit que le travail des journalistes de PQR est plus remarquable que celui de la presse nationale. Il ne l’est pas non plus moins. Il y a là, comme partout, des bons et des mauvais. Rassure-toi, il y a aussi comme partout des fils d’archevêques, mais l’espèce n’est pas assez nombreuse, loin de là, pour monopoliser les embauches. Ce qui explique peut-être que le phénomène est moins apparent que dans des milieux plus resserrés comme les radios ou les télés. Et comme dans la presse parisienne, être fils d’archevêque permet, au delà de l’entrée dans la profession, d’avoir une carrière dont l’évolution n’est pas liée aux seules qualités professionnelles.

Rocky

Répondre


> A quand le grand brassage ?
13 mars 2001
 

Détails …

Il y a du vrai dans ce papier.
Il y a aussi du faux ; ou du "à peu près", on dirait … du journalisme !

Deux exemples perso :

— J’ai fait l’Ecole supérieure de journalisme de Lille. Dans ma promo (40 élèves), il y avait une dizaine d’Africains. Venus d’Afrique, ils y sont aujourd’hui ministres ou prisonniers, quelquefois même journalistes !

— D’un milieu modeste et provincial, je n’aurais peut-être jamais pensé faire ce métier tout seul, et encore moins une école, et encore moins cette école-là. Ma "mise sur la voie" vient d’une conférence, au collège, pour les classes de terminales, par un jeune ancien de ce collège et de cette école (de journalisme). C’était il y a presque quarante ans (j’en ai 56) … Et nous sommes quatre de cette classe de philo à avoir fait l’école de Lille et à être devenus journalistes.

Maintenant, c’est vrai qu’il y a, et du piston, et des fils d’archevêques dans notre profession. Mais pas seulement.

Cordialement.

Bernard Langlois

Répondre
> A quand le grand brassage ?, Arnaud, 14 mars 2001

Bonjour,
Je ne vois pas bien où vous voulez en venir.

Est-ce que le fait qu’il y avait 40 Africains dans votre promotion est un signe qu’il y en a bien assez qui sont formés pour ce métier ? Je ne crois pas en avoir vu beaucoup dans la presse nationale précisément parce que ces jeunes gens se destinaient au marché africain, non ?(et c’est tant mieux pour la qualité de la presse là bas )
Si votre propos est de dire qu’il y a largement assez d’Africains (du Nord comme d’Afrique subsaharienne) ou d’origine africaine dans notre métier, là, je ne peux y souscrire. Ou alors, je les ai manqués !

Je partage à 200% votre découverte du métier par une conférence donnée dans un lycée par un journaleux. C’est EXACTEMENT là qu’il faut aller agir et c’est à cela que j’appelle très explicitement dans mon article. Pour ma part, je vais retourner dans mon lycée pour aller y faire une petite conférence afin d’expliquer mon job à des lycéens. Et leur dire, nom de Dieu, d’entrer dans des écoles de journalisme, parce que ce sera le seul moyen pour eux de rentrer dans ce boulot pourri par les pistonnés !
Et j’incite tous les journalistes à faire de même : retournez dans vos lycées surtout s’ils étaient modestes et expliquez votre job.

A

Répondre
> A quand le grand brassage ?, 14 mars 2001

Tiens au fait c’est la semaine de la presse à l’école ! Journalistes allez donc faire un tour à votre ncien collège ou lycée ou celui de votre choiix , histoire de leur faire comprendre à ces petits que vous n’êtes pas des hommes ou femmes troncs dans la petite lucarne à zappette intégrée.

Pascale

Répondre


> A quand le grand brassage ?
9 mars 2001, message de Jean-Michel Roland
 

Cette réflexion n’est que trop schématique par bien des aspects. Tes réfléxions ne brillent pas forcément par leur cohérence et tu es souvent un peu confus. Et tu ne sembles pas maîtriser parfaitement toutes les notions que tu manies, avec plus ou moins de bonheur.
Ta réfléxion, si imparfaite soit-elle, a néanmoins le mérite d’exister.
Mais je ne pense pas que tu sois la personne la plus habilitée à le faire. En tant que journaliste, tu gardes tes instincts corporatistes, comme tu défendrais les intérêts de ta caste. Ce qui ce ressent dans tes dires.
Tu es plein de bonnes intentions. C’est louable. Mais ton papier est symptômatique de ce qui ronge le journalisme : se regarder constamment le nombril.
Un élément extérieur, comme un sociologue, aurait, à mon humble avis, un regard beaucoup plus acérée sur les problèmes que tu soulèves.
Tu es à la fois juge et partie, et c’est là que le bât blesse. Tu es plein de bonnes intentions, mais, sans même peut être que tu t’en rendes comptes, tu as certains des défauts et des travers que tu stigmatises chez tes pairs. C’est inhérent à ta profession, où le nombrilisme a toujours fait preuve de profession de foi. Tu te poses en chevalier blanc, mais ta virginité est déjà largement entâchée. C’est dommage car tu dis des choses sensées.

Répondre
> A quand le grand brassage ?, 9 mars 2001

1 - J’accepte tout à fait la critique de mon article et notamment celle qui affirme que je suis trop orienté, car étant journaliste. Mais elle ne doit pas se résumer à des mots : donne des exemples tirés de l’article et nous en discuterons.

2 - Je ne me pose pas en "chevalier blanc", alors cesse d’emprunter ce ton condescendant que je trouve un peu sot. Discutons, débattons, mais en personnes responsables, pas en lanceurs d’anathèmes gratuit.

Le chevalier blanc est anonyme, moi, je dis des choses sous mon vrai nom, avec tous les risques que cet acte comporte.

Amitiés
Arnaud

Répondre
> A quand le grand brassage ?, Jean-Michel Roland, 13 mars 2001

M. Arnaud,
En préambule, laissez-moi vous dire que votre petit ton condescendant de "journaliste-au-dessus-de-la-mêlée-des-scribouillards-laborieux", à défaut de me laisser perplexe, m’horripile diablement.

Une fois ceci précisé, revenons à nos moutons. Ma première intervention, fruit d’une reflexion au débotté après une lecture rapide de vos quelques paragraphes (je l’imagine également écrits sur un coin de table), manquait sans doute de concision.
Tout d’abord, le fond de la question n’est pas tant le "brassage" qui manquerait tant, selon vos dires, à la caste journalistique. Au-delà même de savoir si un fils de tourneur-fraiseur serait meilleur qu’un fils de diplomate pour traiter de la fracture sociale, il serait bon de revenir à une réflexion un peu plus profonde et moins superficielle.
Je pense en effet que le métier de journaliste est PAR ESSENCE synonyme d’à peu près. Le schématique règne en maître en cette profession. Je m’explique : pris par des impératifs horaires, le journaliste n’a pas le temps et le recul nécessaire pour traiter honnêtement et sans raccourcis l’information dont il a à traiter. Son travail ne peut être qu’incomplet et schématique. Si certains essayent de faire du mieux qu’ils peuvent pour ne pas trop sombrer dans le vulgaire (Monde Diplomatique essentiellement), d’autres (95% de la presse française) ne se nourrissent que de sensationnalisme et d’à peu près, pour ne pas dire d’ordures. Quand on parle pompeusement du "Monde" comme journal de référence, je me gausse. Si l’on y regarde d’un peu près, ce quotidien du soir n’a rien à envier aux pires tabloïds d’outre-Manche. Des pages entières, où médiocrité et vacuité font excellent ménage, à l’image des pages conscacrées à la politique.
Je pense donc, qu’en matière de REFLEXION - car c’est là un mot bien étranger au petit univers parisien et doré des journalistes -, seul un universitaire, un chercheur, quelqu’un qui n’agit que par conscience et non par l’appât du gain qui soit à même de mener des raisonnements dignes de ce nom. Messieurs les journalistes, contentez vous de résumés objectifs de l’actualité et cessez de vous prendre pour un 4e pouvoir faiseur d’opinion. Une prétention qui mène aux pires excès. Ainsi, qui peut raisonnablement contester que ce sont les journalistes qui ont FAIT le Front National, en donnant une ampleur médiatique sans précédent à une poignée de nostalgiques de l’OAS.

Plus grave encore, l’internet me semble constituer un danger suplémentaire, bien plus grand et dangereux que le FN. Présenté comme un outil d’échanges, le web est surtout une machine à faire du fric en flattant les plus vils instincts de l’espèce humaine. Voir la multiplication des sites classés X, lorsqu’ils ne sont pas pédophiles.
Et le plus malheureux, c’est qu’on développe de plus en plus l’internet à l’école. Mes enfants passent beaucoup de temps à "surfer". Et je m’en inquiète grandement au point de songer à leur interdire. Le syeux rivés sur leur écran, ils ne pensent plus à lire, à penser, à se cultiver. Internet, c’est la facilité, la vacuité... le McDonalds de la culture. A terme, les générations à venir ne seront même plus ce qu’est un livre. Les nazis brûlaient les livres à la vue de tous. Bien plus pervers, internet réalise la même chose à petit feu sans que personne ne s’en révolte. Chaque fois que j’allume mon écran, c’est de plus en plus Big Brother qui apparaît.
Voilà une chose qui n’est JAMAIS dénoncée dans la presse. Et c’est pourtant une chose fondalement plus importante que toutes ces petites questions parisiennes sur le recrutement de la caste journalistique...

Répondre
> A quand le grand brassage ?, 13 mars 2001

seul un universitaire, un
chercheur, quelqu’un qui n’agit que par conscience et non par l’appât du
gain

Ca y est, la grande loufoquerie sur les preux universitaires recommence. Je n’ai aucune complaisance
particulière pour les journalistes, mais pas plus pour les chercheurs/universitaires
qui passent leur temps à gratter dix fois le même rapport ou article afin
de se faire bien voir de leur hiérarchie, de leur "communauté scientifique",
et donc d’avoir une promotion quelconque. Il n’y a pas plus de bons chercheurs
que de bons journalistes, et la façon dont la recherche fonctionne actuellement
n’est pas plus satisfaisante que celle dont fonctionne le journalisme.

Et le plus
malheureux, c’est qu’on développe de plus en plus l’internet à l’école. Mes
enfants passent beaucoup de temps à "surfer". Et je m’en inquiète
grandement au point de songer à leur interdire. Le syeux rivés sur leur
écran, ils ne pensent plus à lire, à penser, à se cultiver. Internet, c’est la
facilité, la vacuité... le McDonalds de la culture.

Quelle horreur. Et des livres de merde, il n’y en a pas peut-être ? Quelle différence
entre un site nul et un livre nul ? Tu choisis les livres pour tes enfants ?
Eh bien, qu’attends-tu pour choisir les sites ?

a+

Antoine.

Répondre
> A quand le grand brassage ?, Arnaud, 13 mars 2001

Comment discuter avec quelqu’un qui dit : "De toute façon, ton article, il a aucun intérêt, parce qu’il y a des choses bien plus graves que ça qui n’ont rien à voir, et tu n’en parles pas !"

Alors, mon grand, pourquoi perdre ton temps à débiner point par point,un papier qui n’a , sur le fond, aucun intérêt pour toi ? Va voir ailleurs, va lire Val, Giroud ou Breton qui te contenteront sans doute en proférant le genre d’inepties démagos qui te feront monter au rideau, plutôt que d’essaye de réfléchir et débattre.

La presse est pourrie, les journalistes sont des salauds, Internet, c’est de la merde. Ma grand-mère dit la même chose que toi et elle n’a pas eu besoin de faire autant d’études que toi. Ce doit être le bon sens populaire...

Répondre
> A quand le grand brassage ?, Arnaud, 13 mars 2001

Flaubert avait confectionné un génial "Dictionnaire des Idées reçues".

Je pense que l’intervention de notre ami pourra figurer en page de garde si d’aventure nous confectionnons un Dico des idées reçues du Net, non ?

Répondre
Vive le debat argumente !, Fab, 10 mars 2001

Est-il vraiment inimaginable de critiquer une "caste" ou un "groupe" dont on fait partie ? Il est vrai que cela pose un probleme de recul mais d’un autre cote celui qui critique "de l’interieur" a tous les elements pour le faire, il "sent" le groupe qu’il critique et comprend mieux que tout autre ses manieres de penser, de se reproduire etc... Si en plus le critique est de bonne foi (i.e. il ne cherche pas a defendre, envers et contre tous, le groupe dont il fait partie), ses reflexions peuvent etre interessantes.

Maintenant, c’est au lecteur profane (comme moi) de lire l’article et de faire jouer au maximum mon esprit critique pour isoler la part de parti-pris et la part d’objectivite qu’il y a dedans. L’article d’Arnaud m’a semble plutot obejctif et tres complet, mais peut-etre mon esprit critique a ete pris en defaut : c’est a ce moment que ce forum intervient : que les lecteurs qui ont trouve quelque chose a redire, quelque argument de mauvaise foi le signalent et mettent ainsi en evidence les carences de l’article (et completent le jugement que se fait du sujet le profane que je suis). Cette pratique est enrichissante mais par pitie - amis journalistes et sociologues - DES ARGUMENTS, DES FAITS !!

J’ajouterai que pour ce qui est de se regarder le nombril, Arnaud me semble a des annees lumieres de certians pourvoyeur d’article du Minirezo (cf. les acteurs du Web independant qui parlent du web independant, encore du web independant et toujours du web independant). Et ces memes pourvoyeur lancent beaucoup d’anathemes et proposent peu de solution tandis qu’Arnaud a le merite d’en proposer quelques unes (ce qui est trop rares dans les discussions de nos jours).

Répondre
> Vive le debat argumente !, Arnaud, 10 mars 2001

Pour compléter cette réaction, je tiens à dire une chose : être journaliste ne garantit pas de dire des choses intelligentes sur ce métier, on en connait plein qui sont des défenseurs aveugles et/ou mal-intentionnés du journalisme, et qui le décrédibilisent plus sûrement que ceux qui l’attaquent. De même qu’il y a des journalistes qui attaquent assez bêtement ce métier (Cf Serge Halimi, qui n’écrit pas que des bêtises, mais commet souvent des amalgames gros comme des maisons...) comme s’ils n’avaient jamais mis les pieds dans une rédaction.

Alors, oui, il est bon que les sociologues se penchent sur cette profession, mais pitié ! qu’on nous épargne les critiques complètement manichéennes (que l’un des intervenants de ce forum qualifie d’"acérées", oulalah !) du mec qui n’a jamais rencontré un journaliste de sa vie, qui projette ses propres fantasmes en invoquant deux trois exemples non-réprésentatifs (PPDA, Voici et Matt Drudge le plus souvent).

Et l’on s’étonne que ces "pamphlets" fassent sourire les journalistes, ou leur fasse lever les yeux au ciel. Une critique qui ne repose sur aucune observation précise et longue du journalisme n’a aucune chance d’être écoutée (voir les phantasmes de Philippe Breton a propos du "culte de l’Internet", qui font sourire toute personne déja venue sur ce forum).
C’est ce que Cyril Lemieux appelle la "critique extérieure". Et pourtant Cyril Lemieux est sociologue, pas journaliste. Mais son bouquin "Mauvaise Presse" sur ce boulot est, je le répète, formidable sans être indulgent.

Qu’on s’en inspire !

Répondre
> A quand le grand brassage ?, Lucie, 12 novembre 2006

Pour une critique pareille d’ " un article sensé " je te trouve bien dur avec ce journaliste. Il défend et illustre avec brio dans son style d’écriture les thèses qu’il défend dans son article : la non-conformité des articles rédigés par des journalistes aseptisés, par des robots formés à fournir des textes qui n’ont plus aucunes valeurs face à une population réelle, et aussi imparfaite que toi, lui et moi. L’important ce n’est pas d’avoir un style irréprochable ( qu’est ce que le beau ? le parfait ? existe t-il ? ) mais que l’essentiel soit compris par "la masse" par le peuple français qui se démène pour mener sa petite vie, non pas pour être disséqué par une bande d’élitistes, plus riche les uns que les autres, et plus imbu d’eux mêmes les uns que les autres. Qu’il se pose en chevalier blanc, c’est peut être vrai, mais au moins il dénonce que qui est dérangeant, et qui l’a toujours été : la réalité.

Répondre


Bravo
8 mars 2001, message de Fab
 

Felicitation pour cet article interessant, argumente a pas completement "extreme" comme le sont certains (trop) d’articles publies sur ce site.

Je trouve injuste qu’il n’y ait pas le moindre message sur le forum attenant, c’est peut-etre simplement... parce qu’il n’y a rien a dire : le constat dresse est clair, a mon avis - je ne suis pas specialiste - indiscutable et les solutions proposees de bon sens sans verser dans la surenchere "les journalistes tous pourris" ou "les journalistes sont de pauvres incompris".

C’est ce genre d’article qui m’aide a me forger une opinion sur un sujet - le monde du journalisme - que je connais peu.

Continue a en produire de la sorte.

Amicalement

Fabrice

Répondre
> Bravo, sam, 8 mars 2001

Je pense qu’il n’y a pas (encore) de réactions parce que l’article est récent et par ailleurs parce qu’on ne peut qu’être d’accord avec ce qui nous y est fort bien expliqué.

Cela fait longtemps que j’ai observé que la télé et la plupart des journaux nous servent de la merde, généralement produite par des personnes suffisantes et ayant le cul au chaud, si je puis m’exprimer ainsi.

Il est rafraîchissant de lire des idées propositions pour changer cela.

Répondre
> Bravo, Arnaud, 8 mars 2001

Merci pour vos réactions.

Si le sujet du journalisme traité au-delà des habituelles querelles de clocher vous intéresse, je ne saurais trop vous conseiller la lecture de l’excellent "Mauvaise Presse", du sociologue Cyril Lemieux (ed. Metaillé) qui analyse les critiques adressées à ce métier par la population, les intellectuels et par les journalistes eux-mêmes. C’est un travail complet, complexe ( c’est pour ça qu’on n’en a pas parlé dans tous les médias : il n’y a pas UN message clair et télévisuel, mais une étude riche en contradictions et bien nourrie) qui fait avancer le schmilblick.

http://www.editions-metailie.com/sciences/clc033.htm

Arnaud

Répondre