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jeudi 1er mars 2001

« Revisiter » mai 1968

Vademecum à l’usage des idiots utiles
par Marc Laimé
 

Les consternantes bêtises, invraisemblables fadaises et toutes autres coquecigrües fleurissant sous couvert de « débat sociétal » inspiré par quelques lignes exhumées d’un fast-book commis il y a des lustres par certain rouquin ne doivent pas manquer de réjouir les observateurs attentifs des ridicules (médiatiques) de l’époque.

Il a semble-t-il échappé, ici et ailleurs, à la horde d’atrabilaires qui s’empoignent furieusement sur tout et n’importe quoi, et donc nécessairement n’importe comment, que cet hilarant « débat » mobilise, à son tour, un très remarquable marqueur sémantique qui fait flores depuis quelques années.

Retour aux sources. Les « dossiers » que consacrent nos différents amis marchands d’espaces publicitaires et tous autres follicullaires à cette très épineuse question « générationnelle » s’adornent immanquablement du délicieux vocable « revisiter » : « Il nous est apparu nécessaire à cette occasion de « revisiter » mai 1968... »

Dans la période récente nous avons de même été sommés de « revisiter » la guerre d’Algérie, la collaboration, la guerre du Golfe, le féminisme, la Révolution française, Picasso, la culture du topinambour à Romorantin, etc, etc.

Tout se passe désormais comme si cet increvable « revisiter », qui fait tout autant fureur chez les attachées de presse, les spécialistes en toute choses, les gourous manageriaux, bref la terrifiante camarilla des brasseurs de vent ayant pignon sur rue, autorisait tout un chacun à s’emparer de n’importe quel sujet, au motif le plus futile, aux fins de se livrer en toute impunité à l’exercice ci-après :

- monter en épingle un « événement » à peu près ignoré de tous, sans importance aucune, mais le seul fait de le décréter « crucial » est le préalable obligé à la suite des opérations,

- bacler un compte-rendu approximatif, à base de copié-collé paresseux, dudit « événement »,

- attendre, confiant, les réactions indignées des quelques crétins abonnés à l’exercice, qu’on n’a pas manqué d’amocher à l’occasion, histoire de solder quelques anciennes animosités. S’ils tardent à réagir, leur coller un micro sous le nez, ou leur téléphoner à la va-vite pour recueillir cinq lignes qu’on inscrira en cartouche sous un cliché d’archives, élogieux ou consternant, au choix... Trop heureux d’être exhumés du mouroir où ils se morfondent, ils ne manquent pas de se répandre en insanités définitives. Si trop pressé, on leur prêtera avantageusement des propos qu’ils n’ont bien évidemment jamais tenus. Ce qui ne manquera pas de faire prospérer la cause,

- « L’Affaire » est lancée, il s’agit dès lors de la faire prospérer. Soit en profiter pour commercialiser ad nauseam sa salade du moment, qui n’a bien évidemment rien, mais absolument rien à voir, avec le fumeux « débat » initial. Il s’agit bien davantage de profiter du miraculeux « trou d’air » ainsi aménagé pour fourguer au chaland qui n’en peut mais la toute récente lubie dont on ne savait raisonnablement plus comment la relifter, après cinquante dossiers, tribunes, manifestes, talk-shows, consultations en ligne ou tous autres pièges à cons dont tout un chacun se contrefout, à juste titre,

- Notre « affaire » initiale aura dès lors parfaitement rempli son office. Rideau de fumée, tour de passe passe, ni vu ni connu je t’embrouille. La « revisitation » suppléant le déficit « d’angles » sous lequel on pourrait déguiser une fois de plus la marotte de l’instant, autorise donc magnifiquement la répétition du même après ouverture d’un quelconque catafalque.

S’étonner dans ces conditions que quelques lignes d’un rouquin de longue date acoquiné avec tous les thuriféraires du « milieu » puissent donner lieu à un torrent de venimeuses méchancetés sans importance aucune témoigne, au choix, d’un très coupable aveuglement ou, peut-être plus réjouissant, d’un raptus très adolescent autorisant à foutre joyeusement sur la gueule de qui vous chante en racontant absolument n’importe quoi en toute impunité. Et ce nécessairement puisque le soi-disant « débat » n’a jamais existé que dans les cervelles fatiguées de folliculaires blasés, soudainement revigorés par la toute dernière astuce à quatre sous qui leur tombe du ciel à quelques semaines de la prochaine déclaration d’impôts...

Vous aurez compris à la lecture de ce qui précède que je me garderai comme de la peste (et du choléra), de gloser sur les supposés débordements, de plume et du reste, dudit rouquin, comme de m’appesantir sur l’étouffant retour de l’ordre moral qui nous menace... Pas plus que je n’ajouterai ma pierre à l’incertain, et très fantasmatique mémorial, que de supposés « trentenaires » édifient à l’occasion à l’intention de leurs géniteurs.

Toutes manifestations dont le très haut comique qui les empreint rappelle un autre slogan, bien absent des « revisitations » auxquelles nous sommes conviés. Il est vrai qu’il avait fleuri, horresco referens, sur les campus de l’Oncle Sam, quelques années avant 1968 : « Ne croyez jamais ce que vous raconte quelqu’un qui a plus de trente ans ! » [1].

 

[1Pour « revisiter » l’inventivité langagière de la période, voir :
- « Mai 1968 : slogans et graffitis »
- « Graffiti de mai 1968 ».

 
 
Marc Laimé
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Journaliste, coordinateur du dossier « La Folie de l’Internet » du Canard Enchaîné

23 août 2000
30 août 2000
 
SPIP
Web indépendant


> « Revisiter » mai 1968
28 mai 2005
 

Mai 68 la génération maudite
Ils ont insulté leurs parents
enlevé le pain de la bouche de leurs enfants
en plus ils veulent des remerciements
vivement le réchauffement de la planéte que les étés soient tous caniculaires
un trentenaire pas réac mais trés fatigués des héritages de 68

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> « Revisiter » mai 1968
2 mars 2001, message de Greg.fr
 

Faudrait-il résumer ton papier par : "ce que fait le Rouquin de son zob ne regarde que lui" et "trente ans après, mai 68 nous emmerde" ? Dans ce cas, nous sommes d’accord sur les deux points (et particulièrement le premier). Ah ! j’allais oublier un 3ème point : le "revisitage" (la revisitation, le revisitificationnisme ?) de tout un tas de truc plus ou moins utiles. Personnellement, je préfère de loin "revisiter" la Highway 61, on a les références musicales qu’on peut. Est-ce faire une erreur que de postuler que mai 68 ne concerne que ceux qui, à cette date, étaient en mesure de comprendre les changements qui se sont opérés à ce moment-là. Ce qui me place, du haut de mes 30 hivers, en dehors du débat sur "l’héritage" de mai 68 (ou du gaullisme, par la même occaze).

M’enfin j’ai tout de même apprécié ta critique de la "revisite" d’événements.

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> « Revisiter » mai 1968, Phynette, 2 mars 2001

>>> Est-ce faire une erreur que de postuler que mai 68 ne concerne que ceux qui, à cette date, étaient en mesure de comprendre les changements qui se sont opérés à ce moment-là.

Pourquoi ne pas dire tout de suite que Mai 68 a été fait par des Martiens et que trente-trois ans après on se gratte le crâne en se demandant "Pourquoi, mais pourquoi ces gens se sont-ils agités de la sorte ?" C’est pas un fossé des générations, ce sont des douves sans fond que vous imaginez là. Merci pour la continuité des idées et l’espoir de faire subsister certains principes de justice et de salubrité humaine à travers les décennies. On peut aussi se demander pourquoi une bande d’agités se sont mis dans la tête à un certain moment de prendre la Bastille, quelle idée, vraiment, y avait-il une telle urgence ? Personne n’avait à se soucier de maïs transgénique, de sida et de Nasdaq, alors comment pourrions-nous diable comprendre ces étranges personnes ?

Mai 68 vous emmerde ? Pourquoi, exactement ?

Comme si c’était du passé révolu - or il a été dit maintes fois ici, en particulier en réponse au remarquable article de Mona Chollet, que l’héritage positif de Mai 68 existe et qu’il est bien vivant. Condition féminine, évolution de la vie sexuelle, mixité, conscience accrue de l’environnement, de la justice sociale (malgré tout), de la justice mondiale et du tiers monde. Tous ces principes (déjà existants, bien sûr) ont été posés résolument en 68 et ont évolué à partir de là. Et ce qui n’est pas arrivé à un réel aboutissement subsiste encore sous forme de questions qui ne cessent pas d’être posées. Quand on cesse de poser les questions, c’est que le problème est résolu (tant mieux) ou au contraire qu’on désire les occulter (attitude très en vogue actuellement).

Voilà ce qui m’a gênée dans l’article de M. Lainé, je n’ai pas compris ce qu’il voulait dire et qui il visait. J’ai cru comprendre (mais j’ai peut-être mal lu) qu’il balayait d’un revers de la main le choix de discuter de Mai 68, non seulement pour ceux qui veulent le "revisiter", pour ceux qui veulent "en faire le procès" (le procès d’une époque historique ? De ce qui ne peut plus être transformé ? Voilà qui nous avance bien.) mais aussi pour quiconque désire en débattre ("ici et ailleurs"). Ici, cela veut dire "ici-même" ? Alors ce n’est même pas la peine de discuter, de débattre, d ’étudier, d’évoquer ?

Je n’ai pu m’empêcher de percevoir dans l’article de Marc Lainé un ton condescendant, quoique visant des cibles floues, et sous une forme précieuse, un peu absconse, une espèce de tentative de ringardisation des débats actuels, de tous les débats actuels. J’ai cru y voir (mais le texte est si peu précis que je me demande si c’était bien ça) tout le monde renvoyé dos à dos, et un principe du genre "Non seulement c’est ridicule de gloser sur la prétendue pédophilie de Cohn-Bendit (entièrment d’accord), de disserter sur une période passée en se la réappropriant et en la réinterprétant (entièrement d’accord aussi), mais si tout le monde pouvait arrêter de se torturer les méninges et de se poser des questions sur ce qui est et sur ce qui a été, ce serait bien." M. Lainé, vous allez probablement me dire que j’ai lu n’importe comment. Mais je ne demande qu’à vous lire bien. Vous devriez maintenant nous y aider en étant un peu plus précis et en vous attardant SVP sur les directions de votre raisonnement.

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> « Revisiter » mai 1968, Phynette, 2 mars 2001

Pardon de vous avoir appelé M. Lainé, M. Laimé. Il se peut que vous vous serviez de cet argument pour dire que je lis trop distraitement…

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> « Revisiter » mai 1968, 5 mars 2001

Je vais pinailler un petit peu. J’ai écrit : "que mai 68 ne concerne que ceux qui, à cette date, étaient en mesure de comprendre les changements qui se sont opérés à ce moment-là". Il aurait peut-être fallu écrire "le débat sur les acquis de mai 68 ne peut valablement être discutés que par ceux qui ont connu l’avant mai 68, et avaient à cette date un âge suffisant pour prendre conscience des mutations". Est-ce plus clair ainsi ?

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> « Revisiter » mai 1968, Phynette, 5 mars 2001

Oui, c’est plus clair ainsi, merci. Toutefois ça n’interdit pas à ceux qui n’ont pas connu l’avant-68 mais qui se sont tout de même un tantinet renseignés sur l’histoire du XXe siècle (et du XIXe, etc.), de ramener leur fraise s’ils en ont envie et si le sujet les intéresse. Bon, moi aussi je vais être claire : l’histoire concerne tout le monde, qu’il s’agisse du magdalénien, de l’édit de Nantes ou de la semaine dernière. Il me paraît aussi absurde de vouloir s’approprier une période historique que de vouloir en déposséder qui que ce soit. Par ailleurs il me semble également absurde de porter un jugement de valeur sur une période historique. Le discours à la VSD-TF1 consistant à nimber 68 d’une aura d’irresponsabilité, style "et maintenant c’est qui qui paie la facture ?" me tape sur les nerfs, et ces temps-ci on le trouve partout.

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> « Revisiter » mai 1968, mict, 2 mars 2001

"ce que fait le Rouquin de son zob..." Mais il en a rien fait justement !!! Faut faire gaffe quand on parle sinon on va ressembler à De Villier. Quoique, même ce dernier n’a pas traité le rouquin de pédophile, il s’est contenté du procès d’intention. Moi je pense que ce soit à propos de 68 ou de quoi que ce soit d’autre, ce qui est grave c’est le procés d’intention. Bientôt une brigade armée jusqu’aux dents va faire une perquiz chez toi et te dire, monsieur greg.fr, vous avez utilisé les mots "utiliser" et "papier" dans ce forum, mots qui sont trés utilisés dans "la philosophie dans le boudoir", nous en concluons donc à une intention d’appel à la débauche. Au trou ! D’ailleurs notre scanner perçoit une bourrasque d’ondes alpha dans la partie gauche de votre cerveau, signe intrompable du révolutionnaire, vous prendrez perpet ! Non, plus sérieusement et moins SF, ce que je trouve inadmissible, c’est que le rouquin en question se soit rétracté. Il doit vraiment avoir envie de plaire à la ménagère pour se faire élire, à ranger ainsi son honneur dans sa culotte.

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> « Revisiter » mai 1968
1er mars 2001, message de Phynette
 

Excusez mon incorrection, cher Marc, mais je n’ai pas compris, au juste, où vous vouliez en venir.

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> « Revisiter » mai 1968, Arnaud, 1er mars 2001

Moi itou.

Pourquoi ne pas donner quelques exemples un peu concrets de la vacuité médiatique dont tu témoignes ? Que doit-on retirer de ton article au juste ? Qui vise-t-il ? Quels "folliculiares" veulent revisiter Mai 68 ? Et c’est quoi revisiter ?
Ceux qui glosent sur le fait qu’en 75, la pédophilie ou des choses approchantes n’était pas un sujet tabou ?

Moi qui ai moins de 25 ans, je trouve ça personnellement très très enrichissant que certains (Libé) se remémorent leur "libéralisme" de l’époque, qui parait presque effrayant aujourd’hui. Très très relativisateur de la manière dont changent les moeurs, n’est-ce pas ? Même si ce que Libé et consorts mettaient derrière n’a évidemment rien à voir avec la pédophilie telle qu’on la désigne aujourd’hui.

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> « Revisiter » mai 1968, Guillaume, 1er mars 2001

Euh... Pardon, mais ce que Libé et consors mettait derrière, c’était de la pédophilie, seulement, pardonnez du peu : de la pédophilie haut de gamme, libertairo-philosophique... Sauf que le visage de la pédophilie, qu’on le veuille ou non, il a plutôt celui d’un Emile Louis ou d’un Marc Dutroux, plus que d’un Platon... Et c’est ça que ne supportent peut-être pas les anciens libertaires, tout comme ils vous feront l’apologie d’un porno gauche-caviar à la Baise-moi tout en dénonçant les racoleurs films du samedi soir de Canal...

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Oh oui revisite moi encore..., min jiu guo, 2 mars 2001

Pour s’occupper gaiement avant les élections municipales et la
déclaration d’impots, je propose qu’a notre tour on revisite l’histoire de
France. Si on le fait avec talent, la presse et les médias ne manqueront
pas de s’emparer de ces questions essentielles pour la compréhension du
monde actuel. On pourrait commencer par :

- la découverte de la pomme de terre
- la popularisation de l’usage des préservatifs
- la naissance de Jean François Kahn
- la conversion au catholiscisme de Louis Pauwells
- la mutation génétique des tulipes de hollande
- le premier homme qui a marché dans le cyber-espace
- la premiére prestation de nounours à la télé

et si on veut avoir de l’avance, je propose pour cette semaine :

- l’élection de Bertrand Delanoé à la Mairie de Paris
- le premier recueil de poémes de Xaviére Tibéri
- l’entrée de Sullitzer à l’académie française
- le procés des bourreaux des vaches pas tout à fait folles
- la révélation de son hétéro-sexualité par le chien de Philippe Seguin

Avec un bon plan-média et des échanges de pub avec "libération", ça
pourrait faire un carton, le minirézo être racheté par Vivendi et Yahoo
devenir actionnaire majoritaire de Bouygues.

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> « Revisiter » mai 1968, 3 mars 2001

ça s’appelle botter en touche avec un air élitiste de dédain pour ceux qui auraient pris part au débat... Y a absolument *rien* comme contenu...
Allez manants continuez donc à vous empailler sous le regard ironique "supérieur" de M.Laimé.
Pour tout dire il me semple que le mépris qui se dégage de cette vacuité éclabousse davantage son auteur que ceux qu’il prétend critique c’est à dire tout le monde sauf lui-même.

ostinato (comme son nom l’indique)

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> « Revisiter » mai 1968, Phynette, 5 mars 2001

Ostinato,

C’est bien ce qu’il me semblait aussi.

Merci, là c’est vraiment plus clair. On aurait même dû commencer par là.

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> « Revisiter » mai 1968, sorbitol, 30 décembre 2003

J’aimerai avoir des photos sur les manifetations des étudiants qui ont eu lieu au mois de mai 1968

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