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> Mortelle rhétorique
1er décembre 2000,
message de Yann Amar
Ce qui m’ennuie avec votre réaction, Antoine Peillon, c’est qu’elle s’attache à tout semble-t-il, sauf au fond. Ce que souligne d’ailleurs E Graf, dont vous semblez avoir oublié qu’elle a écrit en préambule "OK pour ne pas faire de la référence à la shoah une braderie généralisée" ). Est-ce POLICIER (les majuscules sont de vous) que de relever votre engagement syndical et contre l’antisémitisme ? Ces deux éléments, publics, et qui honorent tout un chacun, figurent sur le site que vous animez. C’est d’ailleurs là que j’ai trouvé les deux longs textes que vous avez copié-collé à l’intention de E Graf (un lien n’aurait-il pas été mieux ?) afin de poursuivre le débat. Il m’a semblé à la lecture de l’article de T Lemahieu que la mise en parallèle de vos deux tribunes libres, la première publiée un peu comme un "droit de réponse" par Transfert
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> Mortelle rhétorique,
Antoine Peillon,
1er décembre 2000
Monsieur Amar, en ligne : Mortelle rhétorique
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> Mortelle rhétorique,
1er décembre 2000
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Assez !,
Mona Chollet,
1er décembre 2000
Des extraits de textes "mis bout à bout hors de leur contexte" ?!... Vous oubliez que l’article comporte des liens vers vos deux textes !!! "CE QUI N’A PAS BESOIN D’ETRE DEMONTRE" ??? Vous prétendez que Thomas Lemahieu vous injurie, qu’il "défend les dérives nazies de Yahoo", vous le diffamez, vous l’insultez, et vous prétendez vous dispenser d’argumenter ??? Il est vrai que, si vous deviez justifier ces allégations scandaleuses, vous seriez bien en peine de trouver la trace du début d’un élément qui vous le permette ! L’insulte est tellement plus pratique à manier que l’argumentation rationnelle et le respect de ses interlocuteurs, n’est-ce pas ? en ligne : L’article de )Transfert
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> Mortelle rhétorique,
Antoine Pitrou,
1er décembre 2000
Nous demandons simplement une protection Avez-vous réfléchi à la justesse des moyens employés pour le faire ? Etes-vous partisan d’une [...] notamment à propos de l’argument J’ai l’impression à vous lire que tout ce qui ne va pas dans le sens de vos opinions est « Une curieuse et authentique
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> Mortelle rhétorique,
Chabannes,
2 décembre 2000
Peut-on s’insurger et refuser le racisme sur le net ? Vous parlez d’un dialogue sur le fond ? Nous sommes tous concernés. J’ai lu le propos de Peillon et Knobel, je ne suis pas forcément dérangé par ce qu’ils disent. Ces dernières semaines, des milliers d’allemands ont manifesté à Berlin. Ils refusent la violence. Pourquoi ? Depuis une dizaine d’années, plus de 100 personnes ont été assassinées par des militants néonazis. Des groupes se sont constitués, des skins et néonazis ont paradé dans les rues ! Pis, ces salauds ont... vous le savez, nous le savons...! Et pourtant, nous acceptons ! Il suffit de voir les sites néonazis sur Internet pour comprendre ! Mais depuis que la ministre (allemande) de la Justice a décidé de les chasser, de les fermer, de faire bloquer ces sites, les néonazis ont trouvé une terre de prédilection : les Etats-Unis. Là-bas (business oblige... Premier amendement de la Constitution oblige), les néonazis allemands continuent de parader. Plus de sites sont hébergés aux Etats-Unis, des pages entières crachent leur haine, d’une violence incroyable ! Le Net est un espace de liberté mais devons-nous pour autant accepter qu’il puisse être détourné et utilisé par des nazis !!! Ne devons-nous pas protester, crier ? Pourquoi devrions nous tolérer que ceux-ci utilisent le Net ? Au nom de quoi ? De la liberté ? Mais n’avons-nous pas autre chose à défendre ? Et parler de liberté d’expression ou tolérer qu’ils puissent tout dire, est-ce rendre un grand service à notre cause ? Dans tous les pays ou les fachos (Chili, Afrique du Sud, Autriche...) se sont installés, la haine s’est installée ! Et moi je refuse de couvrir les agissements de ces gens, je refuse de fermer les yeux lorsqu’ils utilisent un espace comme le Net ! Vous connaissez sûrement ce texte (de mémoire...)... |
> Mortelle rhétorique
29 novembre 2000,
message de graf elisabeth
OK pour ne pas faire de la référence à la shoah une braderie généralisée.
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> Mortelle rhétorique,
Antoine Peillon,
30 novembre 2000
Merci à Elisabeth Gref qui ne s’est pas laissée détournée de sa propre pensée sur la marchandisation de la vie (grâce à son excellente lecture de Klemperer, entre autres) par le papier POLICIER de Thomas Lemahieu (est-ce un pseudo, un masque, derrière lequel s’embusquerait, peut-être, un chien de garde patronal ?) sur mon compte (militant anti-raciste, syndicaliste ; et puis quoi sur ma vie privée un jour ?...). en ligne : Mortelle rhétorique
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> Mortelle rhétorique,
30 novembre 2000
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> Mortelle rhétorique,
ARNO*,
1er décembre 2000
Vous n’avez rien trouvé de mieux ? Thomas Lemahieu est... Thomas Lemahieu, tout simplement. Suivez le lien « Site Web » qui accompagne sa signature, et vous arriverez sur son site (vous pourrez juger sur pièce quels sont ses engagements) ; utilisez n’importe quel moteur de recherche et vous trouverez même son CV, et vous aurez une bonne idée de ses activités professionnelles au service du grand patronnat.
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> Mortelle rhétorique,
Antoine Peillon,
1er décembre 2000
A nouveau pour Elisabeth Graf (mille excuses pour la grosse faute : "détourner", pas "détournée"...), voici les textes sur Yahoo (Des barbelés dans la pensée) et sur la précarité (Mortelle précarité). 1/ Procès Yahoo.com Par Marc Knobel et Antoine Peillon Lundi 20 novembre 2000, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, Jean-Jacques Gomez, a ordonné à la société américaine Yahoo ! Inc. d’interdire, dans un délai de trois mois, l’accès, à partir de la France, à son site « Yahoo Auction » qui met aux enchères des objets nazis et à tout site contestant les crimes nazis. Passé ce délai, la société Yahoo ! Inc. devra verser 100.000 francs d’astreinte par jour de retard dans l’exécution de ce jugement. Marc Knobel est attaché de recherches au Centre Simon-Wiesenthal et membre du comité exécutif de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra). [1] Nous faisons allusion, ici, au titre pour le moins malheureux d’un article paru en « Une » du journal Le Monde daté du 12 août 2000 : « Des barbelés dans le cyberespace ». 2/ Pigistes, CDD, correspondants locaux de presse... Mortelle précarité La précarité sociale ne cesse de croître, malgré le soi-disant retour de la croissance. Les catégories socioprofessionnelles jusqu’alors privilégiées, parce que gardiennes et médiatrices du capital symbolique des maîtres de la société, ne sont plus épargnées par l’aggravation des inégalités. Le journalisme connaît, en particulier, une précarisation et une prolétarisation toujours plus massives. Aliénés et souvent désespérés, les « journalistes précaires » n’ont plus aucun moyen de se défendre, ni même la capacité de se révolter. Leurs droits, presque systématiquement bafoués, sont aujourd’hui ouvertement remis en cause par le patronat. Pourtant, de nombreuses études démontrent, depuis une trentaine d’années, que la précarité sociale est un facteur majeur de mauvaise santé et même de surmortalité. Face à cette occultation des effets morbides de la domination économique et sociale, la compréhension et la dénonciation de la violence néo-libérale passe par la référence aux pires travers de la modernité occidentale. Malgré la « reprise économique », toujours plus de précarité[1] Le 31 mai 2000, la France est passée sous la barre officielle - et très théorique[2] - des 10% de chômeurs (soit 2.400.000 demandeurs d’emploi et 2.900.000 en comptant ceux qui travaillent à temps partiel). Mais l’événement (en 1997, le taux de chômage a culminé à 12,6%) a tout du cache-misère. Car, au même moment, le pays comptait 1.145.000 RMistes, 1.700.000 salariés sous contrats de travail précaires (intérim, CDD, CES) et 1.400.000 personnes déclarant « subir » leur travail à temps partiel. Au total, l’UNEDIC convient que 4,3 millions de Français restent « en contact avec le chômage »[3]. Et 6 millions dépendent des minima sociaux comme le RMI, l’allocation spécifique de solidarité (ASS) ou l’allocation insertion (AI). Depuis deux ans, les enquêtes annuelles « Emploi » de l’INSEE soulignent que plus de la moitié de la hausse de l’emploi est due à celle des emplois à durée limitée, c’est-à-dire des emplois précaires du type intérim, CDD, apprentissage, stages, contrats aidés (CES, CIE, CEC, etc.). Déjà, en mars 1998, près de 900.000 personnes étaient employées par le biais d’un CDD, contre environ 610.000 un an plus tôt, alors que, sur la même période, l’intérim progressait par un doublement de ses effectifs. L’INSEE en conclut, alors, que « le travail à durée limitée est devenu un mode majeur, sinon majoritaire, d’insertion pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans ». Quant au temps partiel, autre forme de précarité, celui-ci continue aussi à gagner du terrain. De la même façon, la progression du sous-emploi se lit dans les offres déposées à l’ANPE. La progression la plus importante des offres concerne ainsi les emplois temporaires de un à six mois (+20,9% en 1998). Selon la DARES (études et statistiques du ministère de l’Emploi), le nombre de salariés en CDD a augmenté de 40 % en cinq ans (durée moyenne : 3,3 mois ; seul un contrat sur cinq ouvre sur une embauche stable). Cette progression est particulièrement remarquable dans l’encadrement, ce qui est relativement nouveau. Le temps partiel, lui, s’étend, aujourd’hui, à tous les secteurs : 15,2 % des salariés y étaient soumis, en 1998, contre 11,3 % en 1993 (INSEE). À noter que, pour 42 % d’entre eux, il s’agit de temps partiel contraint. Au total, toujours selon l’INSEE, l’emploi précaire a quadruplé en quinze ans et il ne produit plus, actuellement, un emploi stable que dans moins de 30 % des cas. En résumé, on comptait encore quelque 450.000 intérimaires et 890.000 CDD en 1999. Les travailleurs « sous-employés » seraient à nouveau plus nombreux cette année[4]. Mais surtout une embauche sur deux environ est aujourd’hui réalisée sous contrat précaire. Pour certaines catégories de salariés, les jeunes et les femmes en particulier, le CDD est devenu un passage obligé, voire l’unique forme de contrat. Les associations humanitaires et les mouvements de chômeurs (collectif ALERTE, AC !, MNCP, APEIS…) dénoncent unanimement ce paradoxe : le retour (fragile) de la croissance semble augmenter l’exclusion et aggraver les souffrances matérielles et morales des « laissés-pour-compte » de la reprise économique[5]. Les « pigistes », précaires par excellence Il y a peu, Journalistes précaires (Le Mascaret, 1998), ouvrage collectif dirigé par le sociologue Alain Accardo (université de Metz), un élève de Pierre Bourdieu, dressait un tableau très complet de la « prolétarisation » d’« une partie croissante des journalistes (...), en commençant bien sûr par les plus vulnérables, c’est à dire les plus jeunes » (p. 8). Celle-ci est mise en relation avec « la tendance à la précarisation de l’emploi journalistique » qui « non seulement se confirme mais encore s’accélère d’année en année, en particulier dans l’audiovisuel et dans la presse magazine » (p. 15). A propos des « statistiques officielles », Alain Accardo affirme qu’elles « sous-estiment inévitablement la proportion des pigistes puisque les seuls journalistes « encartés » sont comptabilisés et que justement, de nombreux pigistes, surtout parmi les débutants, ne remplissent pas encore, ou ne remplissent plus, les conditions d’obtention de la carte professionnelle » (p. 15). L’importante enquête de « sociologie critique »[9] menée sous la direction d’Alain Accardo aboutit à un constat « assez sombre » (p. 17). Car, grâce à la méthode des entretiens personnels extensifs, qui sont autant de « témoignages »[10], elle révèle une prolétarisation qui « se manifeste simultanément - au plan matériel, par un appauvrissement des agents concernés (les pigistes sont généralement exclus de toute augmentation salariale, qu’elle soit collective ou individuelle, de toute compensation pour le passage aux 35 heures, de la rémunération des droits d’auteur en cas de réédition de leurs oeuvres...), une diminution sensible de leur pouvoir d’achat, un endettement croissant, une détérioration de leurs conditions de vie (toutes les consommations sont affectées) - au plan social par une subordination étroite et passive au pouvoir de l’employeur - et au plan psychologique et moral par le développement de toutes les formes de stress et d’aliénation qu’engendrent l’asphyxie financière, la perte de liberté d’initiative, et les atteintes répétées à l’identité et à la dignité des personnes » (p. 10). Au-delà du constat, Alain Accardo se livre à une analyse sans concession de la « précarisation de l’emploi journalistique ». Comme dans le restant du corps social, le déséquilibre entre l’offre et la demande d’emploi, souligné par un chômage massif, est une aubaine pour les exploiteurs. L’image sur-valorisée du métier de journaliste, dans notre société médiatique, est, de ce point de vue, un facteur évidemment aggravant. « Les entreprises de presse ont les coudées d’autant plus franches dans l’exploitation de cette main d’oeuvre (les « pigistes ») que celle-ci s’accroît d’année en année (cf. les statistiques données ci-dessus) par l’arrivée de cohortes de jeunes gens et de jeunes filles sortant pour la plupart des écoles de journalisme et qui non seulement sont sans expérience, sans exigence et sans protection statutaire, mais encore sont prêts le plus souvent à accepter pratiquement n’importe quelles conditions pour entrer dans la Terre promise d’une profession dont ils cultivent une vision enchantée, quitte à en pâtir cruellement... » (pp. 18-19). Une révolte impossible Est-il nécessaire de souligner, comme le fait Pierre Bourdieu, que « la précarité affecte profondément celui ou celle qui la subit ; en rendant tout l’avenir incertain, elle interdit toute anticipation rationnelle et, en particulier, ce minimum de croyance et d’espérance en l’avenir qu’il faut avoir pour se révolter, surtout collectivement, contre le présent, même le plus intolérable »[16] ? Alain Accardo a noté lui-même la violence patronale qui s’exerce, de fait, sur les « pigistes ». « Le premier constat qui s’impose à l’observateur, écrit-il (p. 18), c’est que la précarisation de l’emploi a d’ores et déjà engendré dans le champ journalistique une zone de non-droit caractérisée non pas tant par l’absence d’une législation appropriée que par l’indifférence, voire le mépris, des employeurs pour la législation existante et par l’arbitraire patronal dans l’application des textes. »[17] Nouvelles menaces Dans le même sens ultra-libéral, le patronat a récemment reçu le renfort de la Commission européenne qui argue des dispositions relatives à la concurrence du Traité de Rome (art. 49) pour décréter que les conventions protectrices des journalistes « indépendants » doivent être abolies. En effet, en janvier 1999, la Direction générale de l’emploi, des relations industrielles et des affaires sociales de la Commission de Bruxelles a confié au Comité de liaison des services (CLS) du MEDEF la rédaction d’un rapport sur les « Obstacles à la création de très petites entreprises dans l’Union européenne »... Ce document recommande la création d’une nouvelle catégorie statutaire (hors salariat) de « travailleur indépendant » en tant que « notion générique qui regroupe les métiers de l’artisan, du commerçant, du professionnel libéral, du responsable d’une petite entreprise de services, et ce pour toutes les formes juridiques adoptées ». Les journalistes « pigistes » sont évidemment compris dans le lot... Enfin, le Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) vient de demander l’inscription des « secteurs de l’information » dans la liste des métiers devant bénéficier d’une disposition spéciale sur le « travail intermittent à durée indéterminée », disposition supprimée en 1993, mais que la deuxième loi Aubry sur la réduction du temps de travail a réintroduit à la demande du patronat. Cette offensive du SPQR vise clairement à systématiser l’emploi intermittent et à moindre frais -donc précaire- de nombreux journalistes, dès lors que leur activité présentera une certaine variation dans le temps. Or cette variation d’activité est le propre du métier de journaliste, la convention collective nationale de travail qui le réglemente prévoyant d’ailleurs (art. 29) la possibilité de dépassements d’horaires contrebalancés par des récupérations, dispositif qui offre déjà suffisamment de « flexibilité » aux employeurs... Mortalité prématurée Il faut regarder en face « les conséquences humaines »[20] (inhumaines plutôt) de la précarité sociale. Voici donc quelques données qui... donnent à réfléchir[21] : Le taux de surmortalité des chômeurs par rapport aux actifs est passé de 2,7 en 1975 à 3,2 en 1995, d’après la plus récente étude de l’INSEE sur le sujet[22]. Selon une importante synthèse de Georges Menahem, chercheur au CNRS (CREDES - Centre de recherche, d’étude et de documentation en économie de la santé)[23], « une minorité croissante de la population vit dans des conditions précaires et voit son état sanitaire se dégrader de façon continue »[24]. De plus, « la flexibilisation des conditions de travail se traduit par l’augmentation des maladies professionnelles et des accidents du travail des catégories précaires de travailleurs »[25]. Ainsi, « selon (une) enquête nationale de l’INSEE sur la santé, travailler sous un contrat à durée déterminée (CDD) ou en intérim est associé à des augmentations de +60% à +220% des signes de stress vis-à-vis de la situation des salariés en contrat sans limitation de durée ». « D’où, souligne Georges Menahem, des probabilités plus grandes de maladies et de comportements à risque[26]. » Selon les statistiques de l’INSEE (toujours synthétisées par Georges Menahem), travailler sous un CDD ou en intérim entraîne l’aggravation spectaculaire du « stress ». Ainsi, le risque de « se faire du souci pour des choses pas graves » s’accroît de 62% (CDD) et de 103% (intérim) par rapport à ce que vivent des salariés en CDI. Et le risque de « se sentir sans espoir en pensant à l’avenir » s’élève de 137% (intérim) pour les travailleurs précaires par rapport à ce qui est déclaré par les travailleurs permanents... Or, la vie dans le stress accroît de façon spectaculaire les risques de souffrir de pathologies cardio-vasculaires[27]. Elle favorise l’alcoolisme et le tabagisme[28], facteur majeur de nombreuses maladies graves, au premier rang desquelles figure le cancer. Ce qui induit des écarts importants de « mortalité prématurée »[29] (mort des moins de 65 ans, pour les démographes). Les difficultés de paiement, engendrées par l’irrégularité et la modestie des revenus des travailleurs précaires, entraîne une augmentation de la fréquence des maladies cardio-vasculaires (+30%) et des maladies respiratoires (+60%).[30] Une récente étude sur « l’alimentation des populations défavorisées » menée en région parisienne, en Bretagne et dans les Alpes-Maritimes a relevé des carences habituelles en protéines, calcium, folates et fer[31]. Les différences de richesse relative, qui impliquent des frustrations psychologiques très pénibles, ont un effet important sur les taux de mortalité, selon une étude menée dans une douzaine de pays développés[32]. Le défaut de couverture par une mutuelle, en cas de maladie ou d’accident, accroît les coûts de soins et augmente d’autant la disposition à renoncer à se soigner[33]. Plus de 25% des chômeurs sont cependant soignés pour dépression, anxiété, troubles psychiques ou du sommeil, contre 16% de l’ensemble des patients[34]. Le risque suicidaire est 12 fois plus élevé chez les chômeurs – 20 fois plus chez ceux de longue durée – que dans le reste de la population active[35]… Comprendre pour résister La lecture de Pierre Bourdieu est, de ce point de vue, salutaire : « La concurrence pour le travail se double d’une concurrence dans le travail, qui est encore une forme de concurrence pour le travail, qu’il faut garder, parfois à n’importe quel prix, contre le chantage au débauchage. Cette concurrence, parfois aussi sauvage que celle que se livrent les entreprises, est au principe d’une nouvelle lutte de tous contre tous, destructrice de toutes les valeurs de solidarité et d’humanité et, parfois, d’une violence sans phrases. Ceux qui déplorent le cynisme qui caractérise, selon eux, les hommes et les femmes de notre temps, ne devraient pas omettre de le rapporter aux conditions économiques et sociales qui le favorisent ou l’exigent et qui le récompensent. »[37] Au-delà du constat de « destruction de toutes les valeurs de solidarité et d’humanité », le sociologue passe à l’explication du phénomène : « Ainsi, la précarité agit directement sur ceux qu’elle touche (et qu’elle met en fait hors d’état de se mobiliser) et indirectement sur tous les autres, par la crainte qu’elle suscite et qu’exploitent méthodiquement les stratégies de précarisation (…). On commence ainsi à soupçonner que la précarité est le produit non d’une fatalité économique, identifiée à la fameuse « mondialisation », mais d’une volonté politique. »[38] La conclusion est évidente : « La précarité s’inscrit dans un mode de domination d’un type nouveau, fondé sur l’institution d’un état généralisé et permanent d’insécurité visant à contraindre les travailleurs à la soumission, à l’acceptation de l’exploitation. »[39] En ce qui concerne la presse, et les journalistes, Alain Accardo fait la même analyse : « On n’en est certes pas encore tout à fait au stade du « travailleur-kleenex », qu’on peut utiliser sans ménagement et jeter après usage, mais en vertu de la logique de la compétitivité, de la rentabilité, et sous la pression d’une concurrence sans règle et sans frein, on s’en rapproche de plus en plus. (…) le journalisme n’a pas échappé à cette évolution… »[40] Enfin, ce qui reste du journalisme... Car la précarisation des journalistes est organiquement liée à la marchandisation de l’information. Gilles Balbastre a clairement noté, lors de ses recherches dans le cadre du travail collectif dirigé par le sociologue Alain Accardo[41], « la proximité croissante entre travail journalistique et activité commerciale ». Cette dérive des motifs du métier ont évidemment de lourdes conséquences sur la qualité de l’information qu’il est de plus en plus difficile de distinguer de la communication, voire de la publicité. De là à penser que la précarisation massive des journalistes présente, pour les « détenteurs du capital économique » (Accardo, op. cit., p. 13), l’avantage de leur permettre une plus complète maîtrise de l’information, il n’y a qu’un pas que l’analyse de la presse[42] encourage à franchir allègrement ! Liant, en tant que syndicalistes et journalistes, notre responsabilité envers nos confrères précarisés et celle envers toute la société, nous adhérons au projet de « développer des forces de résistance contre les forces d’oppression qui pèsent sur le journalisme et que le journalisme fait peser sur toute la production culturelle et, par là, sur toute la société »[43], tel qu’il est exposé et déjà exécuté par Pierre Bourdieu et ses amis. Une question morale et politique majeure Face à la précarité, il n’est pas de propos mesuré qui ne risque pas d’être consensuel[44]. Car elle nous confronte à une domination qui rend malade et fait mourir plus vite, à un « bio-pouvoir » d’une violence inavouée. Peu d’autres phénomènes sociaux valident à ce point les analyses généalogiques du monde moderne par Michel Foucault, lesquelles s’appuient sur les notions liées de « bio-pouvoir », « bio-politique » et « bio-histoire ». Le philosophe a démontré combien le « pouvoir de faire vivre ou de rejeter dans la mort »[45] est la souveraineté première dans la société occidentale à partir du XIXe siècle. Le « bio-pouvoir », tel que défini par Foucault a paru abstrait, le philosophe n’ayant pas eu le temps de poursuivre les recherches documentaires soutenant son idée : « L’homme moderne est un animal dans la politique duquel sa vie d’être vivant est en question »[46]. Mais tout ce que nous avons déjà dit sur la précarité (croissance paradoxale, impacts sur la santé et l’espérance de vie, fonction de domination...) tend à valider la pertinence du concept. Depuis peu, d’ailleurs, celui-ci est développé par une nouvelle génération de philosophes, parmi lesquels Olivier Razac, auteur d’une fulgurante Histoire du barbelé ; La prairie, la tranchée, le camp, qui n’hésite pas à écrire : « Il se crée ainsi une échelle sociale, qui se mesure selon la capacité d’accès aux lieux symboliquement et économiquement valorisés. Et ceux qui ne peuvent entrer nulle part errent dans un « no man’s land social » et spatial. Il ne leur reste que l’extérieur, le dehors, qui peut être partout, en tant qu’il représente l’angle mort de l’inclusion démocratique libérale, le non-lieu du renversement du « faire-vivre » bio-politique en un discret « laisser mourir » social et réel, et pourquoi pas, un jour, en un « faire mourir » tout aussi discret. »[47] De même, l’Italien Giorgio Agamben se réfère aussi à Michel Foucault pour mener jusqu’au bout sa réflexion lumineuse sur Auschwitz : « La césure fondamentale qui partage le domaine bio-politique passe entre le peuple et la population ; elle fait émerger au sein même du peuple une population, autrement dit, elle transforme un corps essentiellement politique en un corps essentiellement biologique, dont il s’agit de réguler la natalité et la mortalité, la santé et la maladie. Avec la naissance du bio-pouvoir, chaque peuple se double d’une population, chaque peuple démocratique est en même temps démographique. »[48] Ce processus chosifiant, qui est au coeur de la civilisation occidentale moderne, atteint son apogée dans le racisme (y compris nazi) et... la « direction des ressources humaines »[49]. Toute entreprise de sélection sociale qui entraîne des « césures dans le continuum biologique de l’espèce humaine »[50] est de la même essence que le racisme absolu des nazis ! La référence au « camp » assumée par Olivier Razac et Giorgio Agamben, après Foucault[51], à propos de l’évolution de l’exclusion sociale, choquera certainement les bons esprits que la mauvaise conscience n’étouffe pas. Pourtant, elle est légitimée par la quasi unanimité des « témoins » de l’Anéantissement des Juifs d’Europe et par ses meilleurs historiens. Car, hors de tout amalgame banalisant, donc révisionniste[52], cette référence dénonce, dans toute sa brutalité, une politique qui tente de nous rendre tous complices, voire collaborateurs, d’une exclusion et d’une spoliation liées qui préfigurent d’autres sélections. Une virulente critique de cette « référence » a été développée par la philosophe Myriam Revault d’Allones qui s’en prend à Giorgio Agamben. Pour elle, ce procédé intellectuel consiste à « abolir la distinction fondamentale entre l’ordre des médiations politiques et celui de la vie »[53], à « gommer la différence irréductible entre la démocratie et le mode de domination totalitaire », « à arguer de la continuité entre la privation des droits juridico-politiques et la privation du droit à la vie, voire à les amalgamer »[54]… Mais l’excellent auteur de Ce que l’homme fait à l’homme, se dispense d’une quelconque démonstration. A rebours de la logique élémentaire, elle renie la pertinence, et en fait la décence, de la comparaison bio-politique entre la « totale privation des droits » et « la contestation radicale du droit à la vie »[55], du fait de ses conséquences théoriques : la conclusion que « le camp est le nomos de notre temps, à savoir l’espace où se manifeste en plein jour sa structure cachée »[56]. Je comprends, de la part de Myriam Revault d’Allones, cette sorte de répulsion pour tout risque d’amalgame. Mais, en l’occurrence, c’est bien déjà du « droit à la vie » qu’il s’agit, quand il est question de la précarité et des inégalités sociales. Nul ne parle ici de « génocide », mais, en cette fin de XXe siècle, la ségrégation sociale, les exclusions et spoliations qui lui sont liées, a bien pour effet une surmortalité de masse ! Il suffit de rappeler cette conclusion brute de l’oeuvre collective d’une cinquantaine de chercheurs, publiée par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) en septembre 2000 : « Si les ouvriers et employés avaient la même espérance de vie que les cadres et professions libérales, on éviterait chaque année 10.000 décès prématurés (avant 65 ans) »[57]... L’analyse bio-politique de notre société affirme le lien organique des droits sociaux, juridiques, moraux et politiques avec « le droit à la vie ». Une presse catholique exemplaire A titre d’exemple : dans le groupe de presse catholique Bayard Presse, lors de nombreuses réunions de négociation sur les droits d’auteur des journalistes ainsi que sur l’amélioration des conditions de travail des journalistes rémunérés à la pige (mai 1999 à septembre 2000), la direction a toujours affirmé sa volonté d’établir un « statut des pigistes » qui officialiserait l’infériorité de situation attachée à ce mode de rémunération, notamment en ce qui concerne la protection sociale (pas de mutuelle obligatoire co-financée par l’entreprise, comme pour les autres salariés). De même, ses représentants ont, à chaque occasion, nié la gravité de la précarité de ces journalistes « payés à la tâche » et qui sont toujours plus nombreux (jusqu’à 800 par an, à Bayard Presse, contre moins de 350 journalistes en contrats à durée illimitée). Ainsi, un texte remis le 29 juin aux organisations syndicales, et représenté le 19 septembre 2000, affirmait (je ne corrige pas la typographie fantaisiste) : « Le Pigiste bénéficie des droits que lui attribue le Code du Travail dans toutes les règles de droit qui lui sont applicables, avec les spécificités et les exclusions (sic !) dues au caractère particulier de son mode de collaboration avec l’entreprise. » Sans commentaire. Enfin, au chapitre de la « spoliation », la direction de Bayard Presse refuse et refusera sans doute toujours de verser aux journalistes rémunérés à la pige, qui en était pourtant destinataires en vertu d’un accord d’entreprise, leur part de l’intéressement au titre de l’année 1997. Ce « management »[58] procède à la création d’un statut spécial[59] pour certains salariés aux situations sociales et économiques précaires, à leur exclusion du champ des droits collectifs de leur profession[60] et à leur spoliation du juste produit de leur travail. Comment ne pas se souvenir qu’un tel mécanisme a déjà mené au pire, dans l’indifférence générale ? Provocant sciemment l’indignation de ceux qui ne vivent et ne pensent que dans le consensus[61], je persiste et signe : une telle démarche engage ceux qui l’ouvrent, mais aussi ceux qui l’accompagnent, sur le chemin qui conduit à Auschwitz. Le chemin qui conduit à Auschwitz La mémoire du mal Pour lever, une fois pour toutes, l’argument de dernier recours du « shocking ! », qui tente de couvrir la violence initiale de la domination par celle, supplémentaire, du silence, je me permets de recommander la lecture attentive de cette réflexion de Catherine Coquio et d’Irving Wohlfarth, en avant-propos du monumental ouvrage collectif Parler des camps, penser les génocides[74] : « Dans un climat belliqueux, le procès de l’« amalgame » tourne vite à l’interdit de penser. Le refus - ou l’apologie - de l’universel ne fait qu’inverser le refus - ou l’apologie - du particulier. Cette morbide logique binaire ne laisse aucune issue à l’esprit, ni aucune chance à l’humain. Autant que l’amalgame, la déliaison - ici entre passé et présent, mémoire et action, savoirs et mémoires - est un danger mortel. » [1] Définition donnée par le rapport fondamental Grande pauvreté et précarité économique et sociale présenté au nom du Conseil économique et social par Joseph Wresinski (séances des 10 et 11 février 1987, publié par le Journal officiel le 28 février 1987, ISSN 0429-3841, 104 pages) : « La précarité est l’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux » (p. 6). Cf., aussi, pour une description actualisée du phénomène : Liane Mozère (Université de Rouen), « L’engrenage de la précarité », dans Informations sociales, « Budgets précaires », n° 86, 2000, pp. 48-59. [2] Ce taux, conforme aux critères du Bureau international du travail (BIT), sous-estime largement le nombre de « personnes affectées par la pénuries de travail », selon, entre autres, un groupe de travail présidé par Henri Guaïno (Chômage : le cas français, Rapport au Premier ministre, Commissariat général du Plan, La Documentation française, 1997), qui estimait à près de 7 millions les privés d’emploi en 1996 (contre 3.082.000 chômeurs officiels)... Lire : Alain Bihr et Roland Pfefferkorn, Déchiffrer les inégalités, 2ème édition réactualisée, Syros et Alternatives économiques, 1999, pp. 24-26 : « Chômage, précarité, sous-emploi : les enjeux de la mesure ». De manière générale, en matière de chômage, de précarité et d’exclusion, tous les chiffres -y compris les nôtres- sont à prendre avec la plus grande précaution, la statistique ne pouvant prétendre être une science exacte... [3] Libération, mercredi 31 mai 2000, p. 3. [4][4] Il est très difficile de dresser un tableau statistique définitif pour cette année (2000). Cependant, il y aurait 1,4 million de « sous-employés », selon l’INSEE, auxquels la CGT ajoute les chômeurs et environ 800.000 personnes découragées de se présenter sur le marché du travail : soit un total de 5,5 millions de personnes. Il faut aussi compter 518.000 intérimaires et 900.000 contrats à durée déterminée, mais encore quelque 220.000 emplois solidarité et 1.145.000 Rmistes. De même, du fait de la multiplication des temps partiels, la part des « travailleurs pauvres » qui gagnent moins de la moitié du salaire médian (3650 F nets par mois en 1997) est passée de 5% en 1983 à 10% en 1997 : cf. Bertrand Bissuel, « La France découvre ses travailleurs pauvres », Le Monde daté du 31 mai 2000, p. 12. Et le Centre de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (CERC) comptait 1.850.000 « travailleurs pauvres » en octobre 2000... [5] Bertrand Bissuel, « La grande solitude des laissés-pour-compte de la reprise économique », dans Le Monde daté du 18 juillet 2000, p. 9. [6] Pour mémoire : en 1975, 8,7% seulement des journalistes étaient rémunérés à la pige... [7] Ils ne tiennent pas compte des nombreux journalistes dont les revenus (majoritaires) dans la presse institutionnelle et/ou d’entreprise ne leur permettent pas de détenir la carte professionnelle, ni des tout aussi nombreux « correspondants » de la presse quotidienne ou hebdomadaire régionale à qui la carte est aussi refusée, ni encore des « pigistes » de la presse audiovisuelle qui relèvent du régime particulier des intermittents du spectacle... [8] Les CDD et les emplois en intérim concernent 10 à 15% des salariés français, selon que l’on inclut ou non les auxiliaires et contractuels de la fonction publique. Cf. O. Marchand, « Population active, emploi et chômage au cours des années quatre-vingt », dans Données sociales 1999, INSEE. [9] Son premier volet, Journalistes au quotidien ; Essais de socioanalyse des pratiques journalistiques, est paru en 1995, déjà aux éditions Le Mascaret (Bordeaux). En 1997, Alain Accardo a publié, encore aux éditions Le Mascaret, une Introduction à une sociologie critique ; Lire Bourdieu, qui énonce clairement ses choix méthodologique et politique. [10] Nécessité et limite du témoignage... Cf., entre autres, les pages de Giogio Agamben sur « le témoin », dans Ce qui reste d’Auschwitz, Payot & Rivages, 1999 : « Dans un camp, l’une des raisons de survivre, c’est qu’on peut devenir un témoin... » A propos de la référence au « camp », lire plus loin « Une question morale-et-politique majeure ». [11] C’est celui des « fils de Malthus », dont Michel Husson a démontré qu’ils avaient parti lié avec les pires eugénistes... dans son Six milliards sur la planète ; Sommes-nous trop ?, Textuel, 2000, pp. 33 à 49. Lire, plus loin, dans « Une question morale-et-politique majeure », les analyses de Giorgio Agamben sur les « césures » peuple/population et démocratie/démographie. [12] Le sociologue semble avoir été (défavorablement) impressionné par l’aliénation des journalistes en général, mais aussi par leur individualisme et leur manque de solidarité (pp. 25-27), leur dé-responsabilisation morale et déontologique (pp. 27-29), voire leur masochisme complaisant (pp. 33-41), leur « égotisme narcissique »... Ce jugement sévère sur le « destin » des « victimes consentantes » que sont les journalistes précaires est aussi celui de Gilles Balbastre qui a participé aux travaux d’Alain Accardo et a publié un article de fond sur le sujet : « Une information précaire », dans les Actes de la recherche en sciences sociales, n° double 131-132, mars 2000, pp. 76-85. [13] Entre autres : Serge Paugam, Le salarié de la précarité, PUF, 2000. [14] Le thème de la « souffrance », physique autant que morale, dans le monde du travail (et du manque de travail), est désormais sorti de l’ombre grâce aux livres de Pierre Bourdieu, La misère du monde (Seuil, 1993), Philippe Saint Marc, L’économie barbare (éditions Frison-Roche, 1994), Viviane Forrester, L’horreur économique (Fayard, 1996), Alain Lipietz, La société en sablier (La Découverte, 1996), Christophe Dejours (du Conservatoire national des arts et métiers), Souffrance en France ; La banalisation de l’injustice sociale (Seuil, 1998), Marie-France Hirigoyen, Le harcèlement moral (La découverte et Syros, 1998), Luc Boltanski et Eve Chiapello, Le nouvel esprit du capitalisme (Gallimard, 1999), Jean-Pierre Le Goff, La barbarie douce ; La modernisation aveugle des entreprises et de l’école (La Découverte, 1999), Albert Durieux et Stéphène Jourdain, L’entreprise barbare (Albin Michel, 1999), Virginie Linhart, Enquête aux prud’hommes (Stock, 2000)... [15] Christophe Dabitch, « Précaires et syndicats », dans Journalistes précaires, Le Mascaret, 1998, pp. 319-327. Cependant, Pierre Bourdieu explique, à juste titre : « Les chômeurs et les travailleurs précaires, parce qu’ils sont atteints dans leur capacité à se projeter dans l’avenir, qui est la condition de toutes les conduites dites rationnelles, à commencer par le calcul économique, ou, dans un tout autre ordre, l’organisation politique, ne sont guère mobilisables. » (« La précarité est aujourd’hui partout », intervention lors des Rencontres européennes contre la précarité, Grenoble, 12-13 décembre 1997, publiée dans Contre-feux, Liber, 1998, p. 97). [16] « La précarité est aujourd’hui partout », dans Contre-feux, Liber, 1998, p. 96. [17] Les droits (légaux !) des journalistes rémunérés à la pige sont l’objet d’une remise en question permanente par les éditeurs de la presse magazine. A ce sujet, le Snj-CGT a déjà révélé une note confidentielle du SPMI (Syndicat de la presse magazine et d’information) particulièrement explicite. A la date du 1er mars 1996 et sous le titre de « Présentation du projet de statut des pigistes élaboré par les avocats », la commission sociale du SPMI proposait que « pendant une période probatoire, le journaliste pigiste ne disposerait d’aucun avantage », avant de préciser : « (Cette période probatoire) pourrait être d’une durée de 30 ou 24 mois, une divergence d’appréciation existant entre avocats à ce sujet (...). A l’issue de cette période probatoire, le pigiste devra remplir certaines conditions pour pouvoir prétendre au statut (de salarié ordinaire), à savoir : avoir réuni, au cours de la période probatoire, 18 bulletins mensuels de pige, dont 11 bulletins mensuels sur les 12 derniers mois, représentant une rémunération minimum à définir par les éditeurs. » Pour permettre une telle dégradation du statut de journaliste rémunéré à la pige (perte de la carte de presse, du 13e mois, des congés payés...), les avocats du SPMI proposaient évidemment « une modification de l’article L. 761-2 du Code du Travail. » Et ajoutaient : « Pourrait ainsi être ajouté in fine à cet article le paragraphe suivant : Cette présomption (de contrat de travail) ne joue pas pendant les deux premières années de collaboration. Au terme de cette période, sous réserve d’une manifestation expresse du salarié, cette présomption n’a plus lieu d’être. » Ne résistant pas à l’ivresse de la réforme législative, les experts juridiques du SPMI proposaient encore de « rediscuter » quelques autres articles de la Convention collective des journalistes. Entre autres : l’article 7 (« collaborations multiples : il convient de revoir les conditions d’exclusivité de la collaboration »), article 19 (« prévoir la possibilité de renouveler la période d’essai »), article 25 paragraphes 2 et 4 (« treizième mois pour les pigistes »)... Souvent qualifié de « mercenaire » par certains employeurs, le pigiste pourrait dès lors prétendre au statut d’« esclave ». On aurait pu imaginer un temps que la révélation des intentions scandaleuses du SPMI arrêterait l’offensive. Pure naïveté ! Peu après, la commission sociale de ce syndicat envoyait une circulaire, datée du 4 avril 1997, aux directions des ressources humaines de ses adhérents pour « proposer aux éditeurs une normalisation des mentions devant figurer sur le document jaune intitulé "Attestation destinée à l’ASSEDIC à remplir par l’employeur", afin de constituer un véritable usage et d’éviter des mentions erronées qui pourraient laisser croire à l’existence d’un lien de subordination. » (!) Depuis, nombre de ces attestations portent les mentions « rémunéré à la pige », « pigiste », ou « piges brutes », là où doivent figurer les « niveau de qualification », « qualité de l’emploi », « durée d’emploi » et « salaire net mensuel »... Si bien qu’elles sont évidemment rejetées ! [18] Saül Karsz (sous la direction de), avec Robert Castel..., L’exclusion, définir pour en finir, Dunod, 2000, et Paul Bouchet, La misère hors la loi, Textuel, 2000 (bibliographie). [19] Claudie Besse, « Nourrir son indignation », dans ADRET, Résister, éditions de Minuit, 1997, pp. 19-31. [20] Richard Sennett, Le travail sans qualités ; Les conséquences humaines de la flexibilité, Albin Michel, 2000. Du même auteur (entretien) : « Temps détraqués, salariés déglingués », dans Le Monde des Débats, avril 2000, pp. 16-17. [21] Cf. le considérable Déchiffrer les inégalités d’Alain Bihr et Roland Pfefferkorn (Syros et Alternatives économiques, 1999), notamment les pages 229 à 253, ainsi que le tout récent Les inégalités sociales de santé, sous la direction d’Annette Leclerc, Didier Fassin, Hélène Grandjean, Monique Kaminski et Thierry Lang (INSERM), La Découverte, 2000. Les premiers travaux sur l’impact considérable des inégalités sociales, de la précarité et de la pauvreté sur la santé et l’espérance de vie, datent de la fin des années soixante (aux Etats-Unis : A. Antonovsky surtout) et des années soixante-dix (en France : Henri Péquignot, Guy Desplanques, Georges Rösch, Andrée et Arié Mizrahi...) : cf., entre autres, Catherine Sermet, Morbidité et conditions de vie, rapport du Centre de recherche pour l’étude et les conditions de vie (CREDOC), 1982 (bonne bibliographie) ; An. et Ar. Mizrahi, « Mortalité, morbidité et soins médicaux des populations pauvres », dans le Journal d’économie médicale, 1983, t. 1, n° 3, pp. 161-179 (bibliographie) ; An. Mizrahi, Ar. Mizrahi et C. Sermet, Santé, soins médicaux et pauvreté, CREDOC, Division d’économie médicale, Bib. n° 628, 1984... Sont accessibles, par la Documentation française, les rapports suivants : Antoine Lazarus et Hélène Strohl, Une souffrance qu’on ne peut plus cacher : rapport, Délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain, 1995, 65 pages ; Ghislaine Doniol-Shaw, Santé physique et mentale, travail, précarité : réflexions de médecins du travail à partir de leur pratique, Association santé et médecine du travail (Malakoff, Hauts-de-Seine), 1996, 58 pages ; Cyril Roger-Lacan et Catherine Patris, Psychiatrie et grande exclusion, Secrétariat d’Etat à l’action humanitaire d’urgence, 1996, 39 pages ; Jean-Daniel Rainhorn et François Grémy, La progression de la précarité en France et ses effets sur la santé, Haut comité de la santé publique, éditions de l’ENSP, Rennes, 1998, 290 pages. [22] Le Quotidien du médecin daté du 26 octobre 2000. [23] « Les coûts du libéralisme financier en termes de santé en France », Conseil scientifique d’ATTAC, décembre 1999. [24] Jean-Daniel Rainhorn et François Grémy (Haut comité à la santé publique), La progression de la précarité en France et ses effets sur la santé, éditions de l’ENSP, Rennes, 1998. [25] M. F. Chritofari, « Les accidents du travail : indicateurs de précarisation de la santé au travail », dans Précarisation sociale, travail et santé, IRESCO, Paris, 1997. [26] Les travailleurs « temporaires » subissaient, en France et en 1996, un taux d’accidents du travail 2,2 fois plus élevé que la moyenne de tous les salariés, et un taux d’accidents mortels au travail 2,1 fois plus élevé : CNAMTS, Statistiques financières et technologiques des accidents du travail (années 1994-95-96), Paris, 1999. [27] J. V. Johnson, E. M. Hall, « Job strain, work place social support, and cardiovascular disease », dans l’American Journal of Public Health, 78, 1988, pp. 1336-1342. [28] F. Otten, H. Bosma, H. Swinkels, « Job stress and smoking in the Dutch labour force », dans l’European Journal of Public Health, 9, 1, 1999, pp. 58-61. [29] E. Michel, E. Jougla, F. Hatton, « Mourir avant de vieillir », dans INSEE Première n° 429, INSEE, 1996. [30] Données « conditions de vie » de l’INSEE, sur le facteur endettement. Et G. Menahem, « Maladies, recours aux soins et attitudes à l’égard du risque », dans Questions d’économie de la santé, n° 9, CREDES, 1998. [31] Dr Monique Astier-Dumas, Centre de recherches Foch (Paris), sous l’égide de la Direction générale de l’alimentation, janvier 2000. [32] R. G. Wilkinson, Unhealthy societies : the afflictions of inequality, Routledge, London, 1996. Cette étude démontre que les grandes inégalités de revenus sont significativement associées à des taux de mortalité plus élevés, même quand les variables de pauvreté absolue sont contrôlées. Ce phénomène « moral » a été particulièrement bien vu par Pierre Bourdieu (La misère du monde, Seuil, 1993, p. 11), qui parle de « misère de position ». Selon Alain Accardo (op. cit., p. 31), les « journalistes précaires » souffrent particulièrement de ce « déficit relatif de capital symbolique lié à l’occupation d’une position modeste, subalterne et obscure, dans un espace socialement dominant dont les positions supérieures rapportent à leurs occupants de substantiels profits de légitimité et de distinction ». Le philosophe allemand Axel Honneth, successeur de Jürgen Habermas et donc héritier de l’école de Francfort, a particulièrement bien souligné la « logique morale des conflits sociaux », dans La lutte pour la reconnaissance, Le Cerf, 2000. [33] S. Dumesnil, N. Grandfils, P. Le Fur, M. Grignon, C. Ordonneau et C. Sermet, Santé, soins et protection sociale en 1997, CREDES, 1998. Environ 84% des Français sont couverts par une assurance complémentaire maladie. Nathalie Blanpain et Jean-Louis Pan Ké Shon, L’assurance complémentaire maladie : une diffusion encore inégale, INSEE, juin 1997 : Les personnes les moins protégées se trouvent parmi les jeunes, les chômeurs, les étrangers. Quelque 96% des salariés ayant la possibilité de contracter une assurance complémentaire maladie par leur entreprise sont couverts, contre 78% des salariés ne possédant pas cet avantage. [34] Enquête « Santé et soins médicaux » du CREDES, 1994. [35] Communication du Dr Françoise Chastang (psychiatre) au congrès de l’Association pour la médecine du non-travail (ASNOTRA), en janvier 2000 (Viva, Le magazine mutualiste, n° 145,mai 2000, p. 44). [36] Au sens donné à ce mot par Hannah Arendt, dans son Eichmann à Jérusalem ; Rapport sur la banalité du mal (1963), Gallimard, nouvelle édition, 1991, réflexion qui prolonge l’idée de « mal radical » développée par Emmanuel Kant dans La Religion dans les limites de la simple raison (1794), Vrin, 1994, pp. 65 et suivantes. Cf., aussi : Myriam Revault d’Allonnes, Ce que l’homme fait à l’homme ; Essai sur le mal politique, Seuil, 1995, Jorge Semprun, Mal et modernité, Seuil, 1997, pp. 21-43, et Christian Delacampagne, De l’indifférence ; Essai sur la banalisation du mal, Odile Jacob, 1998. [37] « La précarité est aujourd’hui partout », dans Contre-feux, Liber, 1998, page 98. [38] Ibidem, p. 98. [39] Ibidem, p. 99. [40] Journalistes précaires, p. 8. [41] « Précarité et fabrication de l’information », dans Journalistes précaires, op. cit., pp. 160-179, et « Une information précaire », dans Le journalisme et l’économie, Actes de la recherche en sciences sociales, n° double 131-132, mars 2000, pp. 76-85. [42] Entre autres : Pierre Bourdieu, Sur la télévision, suivi de L’emprise du journalisme, Liber, 1996 ; P. Bourdieu, « La télévision, le journalisme et la politique », ainsi que « Retour sur la télévision », dans Contre-feux, propos pour servir à la résistance contre le néo-libéralisme, Liber, 1998, pp. 76-92 ; Serge Halimi, Les nouveaux chiens de garde, Liber, 1997 ; Collectif, « Les journalistes, signataires invisibles », dans Le « décembre » des intellectuels français, Liber, 1998, pp. 73-91. Voir aussi la revue semestrielle Les cahiers de médiologie (Gallimard), dirigée par Régis Debray, et les travaux de l’ACRIMED (Action-Critique-Médias, 17, ave des Sycomores, 93310 Le-Pré-Saint-Gervais). [43] P. Bourdieu, « Retour sur la télévision », dans Contre feux, Liber, 1998, p. 88. [44] Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs ; De l’incitation à l’envie et à l’ennui dans les démocraties-marchés, Exils, 1998, p. 15 : « Etre passé de la chair à canon à la chair à consensus et à la pâte à informer est certes un « progrès ». Mais ces chairs se gâtent vite : la matière première consensuelle est essentiellement putrescible et se transforme en une unanimité populiste des majorités silencieuses, qui n’est jamais innocente. » [45] Histoire de la sexualité, t. 1, La volonté de savoir, Gallimard, 1976, p.181. [46] Ibidem, p. 188. [47] Op. cit., pp. 103-104. [48] Ce qui reste d’Auschwitz, Payot & Rivages, 1999, p. 109. Du même philosophe, lire aussi : Homo sacer. Le pouvoir souverain et la vie nue, Seuil, 1997. [49] « Ressources » : on parle bien de ressources naturelles, minières, pétrolières... (Le Robert). Sur l’idéologie des « DRH », lire, de Jean-Pierre Le Goff, La barbarie douce ; La modernisation aveugle des entreprises et de l’école, La Découverte, 1999. C’est au XIXe siècle que se sont cristallisées les doctrines racistes pseudo-scientifiques fondées sur le darwinisme social toujours très en vogue chez certaines « élites » de nos sociétés soi-disant développées. Ces doctrines procèdent par « rationalisation conservatrice », au rejet de la responsabilité du phénomène de domination aux dominés eux-mêmes. « Les acteurs sociaux, confrontés à des situations déplorables, tendent à les expliquer en en imputant la cause aux individus victimisés ou aux membres des groupes défavorisés », explique Pierre-André Taguieff, dans son définitif La couleur du sang ; Doctrines racistes à la française, Mille et une nuits, 1998, p. 8. [50] Ibidem, p. 108. L’Allemand Peter Sloterdijk pousse jusqu’au plus insupportable la démonstration que la « bio-culture » occidentale classique (le soi-disant « humanisme », très bientôt relayé par l’« anthropotechnologie ») n’est qu’un dispositif de « sélection », de « domestication » et d’« élevage » du « troupeau humain » au profit de certains : Règles pour le parc humain, Mille et une nuits, 2000. [51] Il faut défendre la société, Cours au Collège de France, Hautes-Etudes - Gallimard - Seuil, 1998 : « Le jeu entre le droit souverain de tuer et les mécanismes du bio-pouvoir », poussé à son paroxysme par le nazisme, est une « mécanique inscrite dans le fonctionnement de l’Etat moderne » (cours du 17 mars 1976). [52] Au contraire, le tabou sur les camps participe, autant que le totem, d’une sacralisation perverse de l’Anéantissement, qui présente, par rapport à l’amalgame, le risque symétrique mais équivalent de banalisation d’un « fait d’histoire » irréductiblement singulier, unique (la dispute sur l’« unicité » et la « singularité » de l’Anéantissement est une absurdité qui a fait long feu : lire, entre autres, les articles de Pierre Bouretz et de Richard Marienstras, pour le dossier « Unicité de la Shoah ? », dans Le Débat n° 98, Gallimard, janvier-février 1998 ; Christian Delacampagne, De l’indifférence ; Essai sur la banalisation du mal, Odile Jacob, 1998 ; Alain Finkielkraut, Tzvetan Todorov, Richard Marienstras, Du bon usage de la mémoire, éd. du Tricorne et France Culture, 2000, pp. 11 à 26). « Evoquer la shoah en termes quasi religieux, c’est contribuer à déshistoriciser un fait d’Histoire. (…) Le devoir de comprendre l’univers mental des assassins ne s’oppose pas à la nécessaire compassion pour les victimes. » (Georges Bensoussan, Auschwitz en héritage ; D’un bon usage de la mémoire, Editions Mille et Une Nuits, 1998, page 131). [53] « Peut-on élaborer le terrible ? », dans Philosophie n°67, 1er septembre 2000, La philosophie devant la Shoah, p. 46. [54] Le dépérissement de la politique, Aubier, 1999, p. 279. [55] Ibidem, p. 278. [56] Ibidem, pp. 280-281. [57] Le Monde daté du 13 septembre 2000, p. 8, et : Collectif, sous la dir. d’Annette Leclerc, Didier fassin, Hélène Grandjean, Monique Kaminski et Thierry Lang, Les inégalités sociales de santé, INSERM et La Découverte, 2000. [58] Pierre Legendre, La Fabrique de l’homme occidental, Arte - Mille et Une Nuits, 1996, pp. 27, 28 et 47 : « Le Management annoncerait-il une monde délivré de l’Abîme, affranchi de la tragédie : pouvoir de l’homme sur l’homme, guerre des sexes et romans de familles ? (...) Le Management est la mise en scène ultramoderne du pouvoir, le recommencement de la fiction... (...) Voilà ce que ne comprendront jamais les comptables d’aujourd’hui : qu’ils ont pour héritage la leçon totalitaire, et qu’ils enseignent le désastre. » [59] Sur la loi du 3 octobre 1940 « portant statut des Juifs » (Journal officiel, 18 octobre, p. 5323) : Serge Klarsfeld, Le Statut des Juifs de Vichy, FFDJF-CDJC, 1990 ; Dominique Rémy et Michel Sapin, Les Lois de Vichy, Romillat, 1992 ; Gérard Noiriel, Les Origines républicaines de Vichy, Hachette, 1999, pp. 103 et suivantes. Le communiqué du gouvernement annonçant la promulgation du premier « statut des Juifs » explique : « Le gouvernement, dans son œuvre de reconstruction nationale a dû, dès les premiers jours, étudier le problème des juifs et celui de certains étrangers qui, ayant abusé de notre hospitalité, n’ont pas peu contribué à la défaite. Partout, et spécialement dans les services publics, (…) l’influence des juifs s’est fait sentir insinuante et finalement décomposante (sic). » Au cours des quatorze mois qui suivent, jusqu’à la loi du 29 novembre 1941 instituant l’Union générale des Israélites de France (UGIF), soixante lois ou décrets concernant les Juifs ont été produits par le régime de Vichy... [60] A propos d’une exclusion intra-professionnelle exemplaire : Marc Knobel, « L’élimination des juristes juifs en Europe à partir de 1933 », dans les Cahiers Bernard Lazare, n° double 125-126, 1990 ; M. K., « L’élimination des magistrats juifs sous l’Occupation », dans Le Droit de vivre, juin-juillet 1992, et Robert Badinter, Un antisémitisme ordinaire ; Vichy et les avocats juifs (1940-1944), Fayard, 1997. Autres professions, même ségrégation : Claude Singer, Vichy, l’université et les juifs, Les Belles Lettres, 1992, et Bruno Halioua, Blouses blanches, étoiles jaunes, Liana Levi, 2000. Quant à la confrérie des journalistes, elle a connu aussi le déshonneur de la collaboration active : Pierre-André Taguieff (sous la dir.), L’antisémitisme de plume ; 1940-1944 ; études et documents, Berg International, 1999. [61] J’ai déjà cité Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs ; De l’incitation à l’envie et à l’ennui dans les démocraties-marchés, Exils, 1998. [62] Aristote, De la génération et de la corruption, Vrin, 1971, et Pierre Aubenque, La prudence chez Aristote, PUF, 1963. [63] Hannah Arendt, Eichmann à Jérusalem ; Rapport sur la banalité du mal (1963), Gallimard, nouvelle édition, 1991. [64] Emmanuel Kant, La Religion dans les limites de la simple raison (1794), Vrin, 1994, pp. 65 et suivantes, et Jorge Semprun, Mal et modernité, Seuil, 1997, pp. 21-43. [65] Alain Finkielkraut, L’Humanité perdue ; Essai sur le XXe siècle, Seuil, 1996, pp. 7 à 11. Mais aussi André Frossard, Le Crime contre l’humanité, Laffont, 1987 : lire et relire la lettre, citée en pp. 81-82, de Suzanne Loterman qui réclame son petit frère de trois ans et demi au préfet de police de Paris. Le philosophe italien Giogio Agamben a poussé loin la réflexion sur les limites de l’humanité en l’homme, à partir des témoignages sur les « musulmans » ; ainsi, Ce qui reste d’Auschwitz, Payot & Rivages, 1999, p. 57 : « (…) le musulman est un être indéfini, au sein duquel non seulement l’humanité et la non-humanité, mais encore la vie végétative et la vie de relation, la physiologie et l’éthique, la médecine et la politique, la vie et la mort passent les unes dans les autres sans solution de continuité. » [66] Rony Brauman et Eyal Sivan, Eloge de la désobéissance ; A propos d’« un spécialiste », Adolf Eichman, Le Pommier – Fayard, 1999, p. 57 : « Certains s’offusquent, d’autres prononcent de véritables excommunication à l’encontre de quiconque se hasarde à comparer cet « incomparable », arguant que toute tentative de compréhension serait déjà une forme de justification. En faisant peser le soupçon de « banalisation de Hitler » face à toute analogie avec une autre situation, au motif que les centres de mise à mort sont sans précédent dans l’Histoire, ils interdisent de penser, poussent à se retrancher du monde. A l’exigence politique d’instaurer un monde commun, un horizon de sens partagé par les homme, ils substituent une division infra-politique du monde en deux catégories irréductiblement antagonistes (nous et les autres)… » [67] Christian Delacampagne, De l’indifférence ; Essai sur la banalisation du mal, Odile Jacob, 1998. [68] Raul Hilberg, La destruction des Juifs d’Europe, Gallimard, Folio, vol. 1, 1991, p. 75 : « Dans son premier stade, le processus de destruction n’avait fait qu’établir une série de définitions (les statuts). Ce stade n’en était pas moins d’une extrême importance. (...) Pendant les quelques années qui suivirent, l’appareil de destruction prit pour objectif la « richesse » juive (la spoliation). » [69] Les piètres penseurs, Flammarion, 1999, pp. 116-117. La philosophie ne vaudrait pas qu’on lui consacre une heure de peine, si elle ne se tenait pas, aujourd’hui, devant Auschwitz, affirme aussi Myriam Revault d’Allonnes, dans un très bel article : « Peut-on élaborer le terrible ? », dans Philosophie n° 67, éd. de Minuit, 1er septembre 2000, p. 34. [70] Eduquer contre Auschwitz ; Histoire et mémoire, ESF éditeur, 1997, p. 141. [71] « La singularité d’Auschwitz… », dans Pour une critique de la barbarie moderne ; Ecrits sur l’histoire des Juifs et de l’antisémitisme, Editions Page Deux, nouvelle édition, 1997. [72] Petite métaphysique du meurtre, PUF, 1998, p. 56. [73] Ce n’est pas encore le lieu d’expliquer le « souviens-toi ! » juif (zakhor), ce « commandement de la mémoire ». La culture occidentale est aussi déterminée par une tradition grecque, puis chrétienne, du souvenir, qui nécessite d’être explicitée. Ainsi, Jean-Pierre Vernant, « Aspects mythiques de la mémoire en Grèce », dans le Journal de psychologie, 1959, pp. 7-8, souligne la force de cette faculté : « Le passé ainsi dévoilé est plus que l’antécédent du présent : il en est la source. (...) Le passé apparaît comme une dimension de l’au-delà. » Plus précisément, la tradition veut que « le souvenir est pour ceux qui ont oublié » (Plotin, Ennéades, 4,6,7). La doctrine est parfaitement platonicienne : « Pour ceux qui ont oublié, la remémoration est une vertu ; mais les parfaits ne perdent jamais la vision de la vérité et ils n’ont pas besoin de se la remémorer » (Phédon, 249 c et d). Il en ressort une différence essentielle entre « mémoire » (vision permanente de la vérité) et « souvenir » (rappel de la vérité à l’oublieux). Le souvenir ne peut donc se concevoir que dans un rapport dialectique à l’oubli, et ceci de saint Augustin (Confessions, Livre X, ch. VIII à XXI) à Sigmund Freud (Introduction à la psychanalyse, Payot, 1967, pp. 60 à 65). [74] Albin Michel, 1999, p. 15 en ligne : Mortelle rhétorique
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