De nature un peu trop curieuse peut-être, ou bien encore par ce mauvais esprit qui me caractérise et me pousse à chercher, à confronter, à examiner les infos venant deci-delà sur un sujet qui m’intéresse, j’ai tenté de répondre à ma soif de savoir !
J’ai voulu vérifier de mes propres yeux, la proportion du scandale et des faits, dans la célèbre affaire Yahoo.
Mais qu’y a-t-il donc sur ce site ?
Et quels sont ces objets "nazis" ou référencés tels sur les moteurs de recherche, y compris sur celui du site incriminé ?
A-t-on encore le droit de consulter le site et de l’examiner rationnellement sans être aussitôt accusé de complicité de "cybercrime contre l’humanité", puisqu’aussi bien ce sont les mots de l’UEFJ dans cette affaire ?
On va bien voir.
Que trouve-t-on vraiment sur ce site ?
Il y a de tout : de la breloque, de la médaille, des photos, des uniformes, de la monnaie... Sur les 2116 items liés au nazisme, parmi des milliers d’autres objets, j’ai pu distinguer après coup, trois grandes catégories, que le site ne classe pas vraiment. Son fonctionnement est celui du pêle-mêle d’un étal collectif, d’un dêpot-vente numérique, où toute sélection s’opère par des mots-clés sur le moteur interne.
Catégories d’objets et valeur du scandale
[1] La première de ces catégories d’objets relève des « éléments divers, produits par les nazis ».
Ce sont des uniformes, des coiffes militaires, des médailles, des drapeaux, des timbres, et des objets divers portant entre autre la croix gammée... bref c’est la breloque habituelle, toujours sinistre, toujours ostentatoire du IIIè Reich et de ses immondes kitscheries.
On trouve aussi des images, des photos plus terribles encore que les objets : on y voit les camps de la mort, par les bourreaux photographiés.
Evidemment le malaise surgit, comme il surgirait dans un livre, d’ailleurs, comme il surgit toujours devant ces faits ou ces symboles quelque soit le support où ils sont présentés.
[2] La deuxième catégorie, apparemment moins abondante (une vingtaine d’objets, selon ce que j’ai vu), propose des produits contemporains et manufacturés représentant des insignes nazis . Ce sont par exemple des T-shirts (5 types différents) et des tapis de souris (12 modèles...)
Nouvelle alliance du kitsch et du cynisme, ces objets-là, relèvent à mon avis, de l’immonde panoplie du skinhead.
Le site Yahoo en est-il responsable ? Rien n’est moins sûr.
S’ils sont peu équivoques sur l’idéologie haineuse de ceux qui tentent de les écouler ainsi sur le Net, concepteurs, internautes-vendeurs, on ne peut trouver aucune trace d’une quelqconque opinion de L’équipe Yahoo, à leur propos.
Selon toute vraisemblance, le site d’enchères est tout bonnement parasité, vue la facilité d’y « poster » une proposition, par des néo-nazis qui l’utilisent sans doute comme un relais de diffusion parmi d’autres dans un système plus ample, majoritairement hors-ligne de leurs marchés clandestins.
Ce sont ces objets-là qui peuvent porter atteinte à la mémoire de la Shoah, par leur caractère intrinséquement provocateur.
On trouve ainsi cinq ignobles T-shirts couverts de croix celtiques et de signes SS, et même pour l’un d’entre d’un slogan vomitif « Waffen S.S. World Tour ».
Quant aux tapis de souris, au nombre de 12, ils déclinent tour à tour les emblèmes habituels, SS, aigle nazi, mais aussi des photos de dignitaires nazis, et une photo d’Hitler à Nuremberg.
Ignobles donc et sans équivoque, ces objets relèvent d’un commerce aussi misérable que pervers. On est tous d’accord là-dessus.
Mais ce sont surtout ceux qui osent les porter, les acheter, qu’ils le fassent en ligne en se payant Yahoo, ou en arrière-boutiques plus ou moins officielles, ce sont ces brutes réelles bien plus que ces photos qui représentent un danger véritable.
Ces types ne sont pas l’exclusive du Net : ils vivent dans notre monde bien concret, bien ancré sur le plancher des vaches. Ce sont des brutes ordinaires, votre voisin peut-être, qui n’ont pas attendu Yahoo pour être des salauds.
A-t-on seulement recherché les facteurs ou les vendeurs de ces fringues ? A-t-on seulement demandé à Yahoo d’aider peut-être à les identifier ? A-t-on tenté de les piéger ou de remonter la filière de leur infâme petite fabrique ? Bien sûr que non.
Ce qui intéresse tout le monde dans cette affaire, ce n’est pas tant que l’on puisse fabriquer, les vendre et porter de telles horreurs dans la réalité ; ce qui intéresse tout le monde, parce qu’est c’est chic et choc, que c’est sensationnel, c’est qu’elles soient en photo sur Internet.
L’affaire Yahoo ou cet art efficace de viser les symptômes sans prendre néanmoins le risque de toucher la maladie...
Bref, après ces objets finalement bien piètres de la connerie antisémite, voici ce que j’ai vu de la troisième catégorie d’objets.
[3] Encore une fois c’est une catégorie de kitscheries contemporaines mais dont l’orientation ne peut être taxée d’être ouvertement prosélyte.
On y trouve des fac-similés d’images par exemple, liées à la Seconde Guerre Mondiale, images historiques de la propagande nazie, autant qu’images labellisées « alliées », et reproduites en cartes de vœux, en boîtes d’allumettes (sic...), etc. Ces objets-là sont très souvent accompagnés de notices, informant l’acheteur potentiel du contexte historique ou du projet de témoignage que ces objets de mauvais goût mais légaux aux Etats-Unis possèdent aux yeux du vendeur... Un certain nombre précise même que leur vente n’est résevée qu’aux seuls USA, étant officiellement illicite pour les autres pays.
Sous la photo d’un lot de 3 boîtes d’allumettes à usage domestique (sic !), on trouve par exemple ceci :
« Here’s a unique and unusual set of three (3) matchboxes based on Nazi propaganda of the big one : WW2. [...] Please note, this match set is sold strictly as a historical novelty item and is in no way intended to reflect negatively on any group of individuals nor are they to be associated with the promotion of negative attitudes in modern times. »
Le vendeur de ces boîtes prend donc ses précautions :
« We do not subscribe to or support any type of racism. Due to international law, this match set may not be exported to any foreign country - domestic shipping in the USA only. Sorry, NO EXCEPTIONS ! »
Et pour que le message soit encore plus clair et « pluriel » :
« We also have a companion set of three (3) matches based on American (USA) propaganda images from World War II as well... they go nicely together. »
Une base ouverte à tout venant
La banque de données constituée par le site d’enchères de Yahoo, regroupe donc des objets divers que l’on a peut-être un peu tous rapidement mis dans le même sac, donnant à croire qu’il s’agissait profondément et unanimement d’une volonté de nuire à la mémoire de la Shoah.
C’est là une illusion intellectuelle, dont les premiers abusés sont ceux qui, entraînés par l’émotion, ne parviennent plus à faire la part des choses.
Si le nazisme reste un mal absolu, ce n’est pas en jouant sur l’amalgame, ou sur l’interdiction de l’examen d’un site paraissant suspect, que l’on pourra combattre les démons, les germes ou les sinistres partisans de la haine.
Incriminer Yahoo, sans tenir compte du fonctionnement du site est un peu court. C’est oublier la responsabilité individuelle des vendeurs qui postent leur propositions dans une rubrique spéciale « Place a Bid » , et renseignent sans intermédiaire la database, cet entrepôt virtuel du site, où il se doit au préalable de s’identifier (« To place a bid you need to register and sign in with Yahoo »).
L’hébergement et ses déboires, le retour...
La responsabilité de Yahoo, sa culpabilité, sa complaisance, sont donc difficiles à cerner.
Le webmestre, la société hébergeant ces offres, n’a pas vraiment plus de prise sur ce qu’on vient y vendre, dans le fonctionnement du site au quotidien, qu’un hébergeur de sites. Ces prestataires de service, offrant un espace de stockage de données à des miliers d’individus, ne peuvent en exercer de sensible contrôle qu’a posteriori, suite à une réclamation par exemple.
On reconnaît ici cette problématique complexe du métier d’hébergeur. C’est finalement la même difficulté, mais sur un autre thème, que celle qui fut en jeu dans l’affaire Altern.org.
Encore une fois, on a diabolisé et traîné en justice le prestataire technique et le support de communication, sans se soucier une seconde des auteurs véritables des quelques pages tendancieuses.
Soupçon tous azimuts et amalgame dangereux
Les conséquences de cette affaire sont dangereuses, car pour la France ce sont surtout les internautes que l’on condamne ; ce sont leurs libertés individuelles de citoyens qui sont ici visées. Et tout cela ne gênera en rien les vrais révisionnistes.
Devant l’émoi médiatique qu’a suscité l’affaire, un juge français a prononcé ce syllogisme selon lequel tout internaute français devra, par les bons soins et en réparation de la grosse bourde de Yahoo France, être empêché dans l’absolu, d’accèder au site d’enchères.
Ce que l’on voit désormais criminalisé, c’est :
« la consultation de sites faisant l’apologie du nazisme et/ou exhibant des uniformes, des insignes, des emblèmes rappelant ceux qui ont été portés ou exhibés par les nazis, ou offrant à la vente des objets et ouvrages dont la vente est strictement interdite en France. »
Tout internaute, s’il s’aventure même par mégarde en de telles pages, est sommé « d’interrompre la consultation du site concerné, sauf à encourir les sanctions prévues par la législation française ou à répondre des actions en justice initiées à son encontre ».
Le premier attendu de ce jugement est le soupçon.
Le soupçon infamant sur chacun d’entre nous, éternel mineur, forcément louche, criminel en puissance, forcément compromis, contaminé par le néo-nazisme par le seul fait de consulter des pages où les symboles de ce passé seraient présentés et/ou manipulés par des individus dangereux.
C’est une application fumeuse des « vases communicants ».
C’est une atteinte à la présomption d’innocence, une intrusion totalitaire en nos consciences.
C’est fondamentalement méprisant : on nous dénie le moindre esprit critique, la moindre profondeur démocratique...
Encore une fois, c’est l’internaute, c’est le lecteur, qui se retrouve, ô paradoxe, au banc d’accusation.
Au ban tout cours, en présumé coupable.
Et si le chef d’accusation est implicite et s’enfonce sans mesure dans les tréfonds du ridicule : « toute lecture vaut consentement, toute navigation sur site immonde devient approbation de son contenu. » C’est à la fois absurde et dangereux. C’est malheureusement notre avenir.