La dernière fois que j’ai eu Clinton au bout du fil, il m’a semblé bizarre et pas tellement dans son assiette. Tout en m’entretenant familièrement de son intention d’envoyer "un bullshit de missile" sur un procureur sudiste, il gémissait, le pauvre homme, il grognait, haletait et de temps en temps poussait un gros soupir. Un peu comme quelqu’un qui aurait mal culotté sa pipe. Mon téléphone l’avait-il surpris en plein sous la bouche ?
Bon, histoire d’abréger les préliminaires, j’ai attaqué sec : "Alors, Bill... What’s happening with the States ces temps-ci ? J’arrête pas d’entendre parler de toi, et pas qu’en bien... "
Je l’ai entendu rougir. Il a essayé de biaiser. "Sorry, il a murmuré, mais je ne dois plus causer avec la presse. C’est Hillary qui...
Ah, non, j’ai dit... Pas de ça avec moi, mon vieux. Ou tu réponds gentiment ou je déclenche une campagne gratinée dans l’Echo du Chavalard. Et ça va saigner, tu peux me croire...
Ça l’a tout de suite calmé.
Bon, qu’est-ce que tu veux savoir ?
Tout, j’ai dit.
Mais ils l’ont déjà mis sur Internet. T’as qu’à regarder.
Internet ? Tu rigoles ? C’est bon pour les jeanfoutres de la presse internationale. Nous on fait dans le régional, on veut que du sérieux. Alors accouche tout de suite...
On a frisé la rupture, mais il a préféré se mettre à table... "Eh, bien, pour Monica, j’avoue que...
Quoi, Monica ? Rien à cirer de tes histoires de gonzesses, arrête de noyer le poisson et contente-toi de répondre à mes questions...
Il a dû sentir qui était le boss. Il avait une bien petite voix pour dire :" Vas-y, je t’écoute..."
Je ne me suis pas fait prier.
"Alors, c’est à propos des missiles sur l’Irak et sur les victimes de ton harcèlement présidentiel. Je veux tout savoir. Est-ce qu’ils étaient consentants, les morts de Bagdad ? Ont-il pris plaisir aux explosions en technicolor ? A-t-on retrouvé des taches suspectes sur leurs tchadors ? Ont-ils été contents de l’audimat ? Ont-ils demandé des déminages et intérêts ? Obtenu gros pour leurs mémoires ? Soigné leur bon profil d’Arabes morts pour CNN ? Témoigné chez la Starr ? Contacté Ed Fagan pour faire crascher l’agresseur ? Dis-moi tout..."
Tut, tut, tut...
Il avait raccroché, Bill. Sans piper mot... Téméraire mais pas courageux. Tant pis, certaines questions, ça soulage rien que de les poser. Je ne veux pas mettre mon nez dans ses affaires, à Bill, il y a déjà foule pour renifler. Mais, à mon sens, il aurait dû quand même répondre. Ça l’aurait soulagé de vider son sac un bon coup.