Bon, vous êtes déjà allés aux Puces. Et à tout coup plus souvent que moi. Alors vous savez comment çà se passe. On se traîne désespérément en faisant gaffe de ne pas marcher sur les pieds des teen-agers black-blanc-beur qui battent le pavé. Et ça ne loupe pas. D’un coup, ça ralentit, ça bloque. On n’avance plus. On patiente, on se faufile et on les aperçoit. Trois cartons empilés, une feuille du même métal. Un bouchon autour. Si vous avez lu Albert Simonin et Alphonse Boudard vous savez que ça s’appelle le bonneteau. Il y a un olibrius qui bat les cartes, et va vous inviter à miser un billet de 100 balles. Il est où le roi de trèfle ? Encore quelques biffetons, quelques passes rapides et, of course, vous aurez beau écarquiller les chasses, vous pouvez toujours courir pour avoir une chance de le trouver le roi de trèfle. Adieu les cent balles, au suivant !
Bon, si vous vous êtes déjà fait pigeonner, pas la peine que j’en rajoute des tonnes. Sauf que l’important dans l’histoire c’est le baron. Un mec qui est là, et qui balance les biffetons à vitesse grand V. Histoire de vous faire saliver, il empoche la mise plus souvent qu’à son tour. Voilà, c’est le baron. En regardant bien on le reconnait vite fait. Moi ce que je vois tout de suite c’est le regard et les chaussures. Brillants les yeux, un peu euphoriques. à peine souriant le regard. Pas tendu. Juste extrêmement attentif. Aux pieds des tennis, histoire de démarrer vite. Pour le reste, pas engoncé dans des fringues de merde. Jean, blouson, à l’aise. Juste ce qu’il faut pour cogner tout de suite et s’arracher avec le cash.
Bon, parce qu’à force, on sait bien qu’il est de mèche, qu’il est là, de mèche avec le banquier qui bat les cartes, juste pour faire monter la mayonnaise et appâter le pigeon. Et pourtant. Et pourtant il y a toujours, toujours, des caves qui vont balancer leur cent balles. Etonnant.
Moi, le « win-win », ça me fait penser aux Puces. Le bonneteau et le baron. Notre poids welter qui est toujours prêt à vous en coller une si vous la ramenez. Parce que quand même ! Alors qu’on les verrait bien se balader avec une icône « Avida dollars » (Total respect S. Dali TM), nos jeunes marquis jeune pousse et marketing Incorporated s’échinent depuis des mois à nous faire avaler qu’au panthéon de la jeune Nouvelle économie en furie - tout le monde il est beau, gentil et gagnant -, surtout gagnant, il existerait un nouveau genre de plan où que tout le monde il s’en mettrait plein les fouilles. C’est ça le « win-win ». Le « partenariat win-win ». Je signe un truc avec toi, tu signes un truc avec moi, enfin on signe des tas de trucs, et on se fait automatiquement un tas de cash. Putain c’est le Pérou. Moi je veux bien les croire, hein. À force de d’ingurgiter du « win-win » du matin au soir à un moment il doit se passer un miracle.
En fait oui. C’est le même miracle qu’aux Puces. Le baron balance des biffetons. Je sais que je vais me faire entuber, mais je mise quand même. Je sais que tu sais que je sais, mais forcément, je cours plus vite que toi et je suis plus mariolle. Donc je vais prendre les tunes. Voilà, c’est ça le « win-win ». On fait un partenariat et tu vas gagner autant que je vais gagner. À mourir de rire ! Bien sûr ils ne portent pas des blousons et des tennis, et en général ils n’ont pas de tatouages. En principe c’est costar gris, bla-bla Jouy-en-Josas et cartes de visite avec CEO de mes deux. Mais franchement pour moi c’est les mêmes. Attendez, je n’ai pas tout à fait fini. Juste vous dire que chez jeune pousse et compagnie, ils ont amélioré l’arnaque : il y a deux barons. En fait les deux jeunes pousses qui vous envoient un communiqué de presse pour vous annoncer qu’ils ont signé un « partenariat win-win ». Comme il faut bien trouver un pigeon, cherchez pas, le pigeon ça sera vous. « On avait monté notre arnaque chacun dans notre coin mais les temps sont durs. Alors on a fait association de malfaiteurs.com. C’est un peu chiant de partager, donc il faut bien qu’on trouve des nouveaux pigeons. »
Ou bien vous imaginez sérieusement que jeune pousse et compagnie sont des premiers communiants qui passent leur vie à se faire des cadeaux « win-win », et à en faire au monde entier, et là je ne peux malheureusement pas grand chose pour vous. Ou bien il vous est arrivé d’aller aux Puces. Sinon, ça ne va pas tarder. Et bien, regardez bien le baron. La prochaine fois que jeune pousse et associés vous inviteront à un « win-win partnership », je suis sûr que vous allez commencer à regarder leurs yeux et leurs pompes. Bravo ! Bienvenue au club « win-win ». Maintenant venez pas me demander quel partenariat il faut signer avec jeune pousse et compagnie pour les entuber. Je veux bien être gentil, mais faut pas abuser !