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ON CONNAIT LA CHANSON

AC Yéyé !

(New-remix cyber)
par Lirresponsable
 
 

Il y a un moment, l’ami Lazuly analysait quarante ans de hamburger musical dans un article intitulé : L’industrie florissante de la chanson insignifiante. Notre propos, au delà du copinage intolérable (puisque, chose impensable, nous ne sommes même pas payés pour le citer), et de l’uzine autiste sectaire de l’élite auto-proclamée ™, est en quelque sorte une synthèse qui s’en inspire (et qui se limitera dans un premier temps à une extrapolation plus ou moins injustifiée).

En effet, nous allons essayer de montrer que le phénomène Yéyé ™ fournit le schème explicatif de la cyber-économie, et sous réserve celui de toute l’histoire contemporaine dans sa répétition comique. Thèse surprenante au premier abord, étant donné que Le Petit Robert définit le Yéyé ™ comme « jeune amateur de la musique venue des Etats Unis dans les années soixante ». Mais, pas plus que nous, Le Petit Robert ne connaît la cyber-économie. Commençons par un peu d’histoire rapide.

The King Burger of USA

Nos amis Les Américains ont compris avant la vieille Europe tout l’intérêt (commercial) qu’il y a à offrir au public jeune ™ un produit dans lequel il puisse se reconnaître, par opposition. C’est à dire un produit que les adultes jugent mauvais, ridicule, voire corrupteur (satanique). Ce fut le cas du rock’n roll qui, à l’origine, n’est que du blues mal joué par des blancs.

En effet, en ces temps de ségrégations, bien que l’Amérique soit une nation jeune & dynamique où souffle l’Esprit d’Entreprise, un jeune blanc allait piller le jeu de scène (déhanchements suggestifs), les orchestrations, le répertoire d’artistes noirs, puis symboliser la modernité, et enfin devenir l’icône de la jeunesse blanche, avant de finir bouffi par les médicaments et l’ice-cream à Las Vegas ; (car il faut dire que les jeunes noirs, comme les plus vieux, avaient un pouvoir d’achat assez limité). C’est pourquoi Elvis Presley reçoit encore un culte de nos jours (y compris sur Internet), et symbolise l’Amérique.

A la même époque, en Europe, la jeunesse dorée écoutait du Jazz ™ dans les caves, parfois interprété par les artistes originaux, car le préjugé de l’authenticité a toujours eu plus de poids de ce côté de l’Atlantique pour les fils de bonnes familles. Ainsi les blancs grimés en « nègres » ne faisaient plus recette, sauf pour le public populaire qui en était resté à Joséphine avec sa ceinture de bananes, (et qui de toute façon a toujours préféré bosser en usine et boire du gros rouge plutôt que du champagne dans les cabarets à la mode).

On a appelé ces jeunes des zazous ™ qui eurent l’utilité d’accueillir de vrais artistes un peu démodés, par le déferlante rock qui sévissait chez eux. L’Amérique a toujours su écouler ses fins de séries avec brio, mais venons-en aux Yéyés ™.
 

Le Yéyé et « sa » musique

 
Après un décalage habituel de dix ans, arrivent enfin en France le chewing-gum (truc qui colle à ruminer et ne nourrit pas, lancé par les G.I VRP dans une tournée de pré-vente avec échantillon gratuit) et son pendant sonore, donc la musique pour jeunes. (Le plan Marshall prévoyait déjà la question cinématographique).

En France, on n’a pas de pétrole, mais on a des idées, c’est connu. De valeureux producteurs innovateurs allaient donc adapter les recettes qui avaient fait leurs preuves aux USA. Reprise des tubes ™ (avec déclinaison dans la langue des autochtones), et tournées promos. D’où une kyrielle de jeunes talents d’une nuit, et une bande de vedettes ™ , voire d’idoles-des-jeunes™, qui trusteraient toutes les ondes pendant plus de trente ans. (Certains existent encore).

Dans d’autres pays d’Europe, on fit l’économie de la déclinaison nationale, qui dénote une suceptibilité sans effets notables sur le PNB, et puis, l’Anglais y était déjà la langue vernaculaire.

A ce stade de l’exposé, il est temps de constater que la cyber-économie ne déroge pas à la règle. Tous les sites commerciaux et leurs produits sont une déclinaison de concepts ™ américains plus ou moins viables, avec le même vocabulaire (analogue du Yaourt : imitation d’Anglais chanté par les rockers français).

Bientôt, les magazines parleront de l’Infotainment ™. Tant d’originalité dans la Nouvelle Economie ™ sidère. Mais la comparaison ne s’arrête pas là. Car au delà de l’American way of life ™ (et de sa dénonciation par les forces obscures de l’anti-progrès haineux), la musique en tant que vecteur culturel implique la généralisation de ses modèles (économiques et politiques). Et d’ailleurs tout endoctrinement commence par des chansons.
 

Le Yéyé et « son » public

Passé l’effet de mode du nouveau son qui nous vient de là-bas ™, il fallut organiser la production et assurer sa pérennité. Apparurent alors les Hits parades ™ et la presse spécialisée jeune qui parle jeune aux copains, en leur disant « Salut ! ». Avec une différence, liée au capitalisme français, puisque l’on dut attendre les années 80 pour avoir un classement par les ventes réelles (l’écoulement des stocks en temps réel), et non une oligarchie du show-bizz où quelques baronnies décidaient des réputations et des tribunes.

Le problème évidemment, est que ce public eut la mauvaise idée de vieillir (ce qui autorisera par la suite de la Nostalgie ™) et que de ce côté de l’Atlantique, on rechigne encore à porter un t-shirt Mickey ™ à la quarantaine. Heureusement, il eut également l’idée de se reproduire, ce qui allait permettre de lancer de nouveaux produits en phase avec leurs rejetons.

Le jeune d’alors voulait du Heavy ou de la communauté, on lui en vendit donc (à écouter, à boire, à porter, etc.) dans des magasins spécialisés Underground ™ puisque les supermarchés n’étaient pas tout à fait opérationnels, malgrés les courageux efforts d’Agitateurs ™.
 

Le cyber-Yéyé et son époque

Dans les caves, il n’écoute plus de Jazz ™ mais monte une start-up en écoutant de la techno puisque la mode est aujourd’hui cybernétique (pendant que les jeunes noirs continuent le hip-hop, lui aussi importé mais passons). Et puisqu’il reste encore quelques traditions dans notre beau pays, il offre de somptueuses surprises-parties ™ avec champagne et petits-fours pour les invités qui, comme il est d’usage dans le Potlach, sont pris dans la réciprocité des cadeaux. Alors que lui, en tant que jeune, base son alimentation sur la pizza ; (quand il vend ses stock-options, il ne mange plus au Macdo ™ et parle éthique sur le Net). Tout cela a déjà été décrit, inutile de le développer.
 

On ne change pas une équipe mais les joueurs

Le même suivisme se répète. La société américaine étant une juxtaposition de communautés hétéroclites, où s’expriment par exemple les divisions ethniques et sexuelles, la règle commune est le commerce. D’où la thématique des communautés en réseaux (avec sites dédiés et portails spécialisés). Ce qui ne pouvait pas laisser totalement indifférents les valeureux entreprenautes, qui eurent l’à-propos historique de plagier à tours de bras, salués en ceci par leurs valeureux aînés, qui entre temps, après avoir fait vaciller l’ancien pouvoir à force de subversion les jours ouvrables, occupaient désormais les postes médiatiques. Comme leurs anciens qui sont cools (rendez-vous compte ils écoutent du rock en décidant de la grille des programmes), ils sont cools (mais écoutent Casimir ™ pour déconner).

Les règles et les recettes commerciales étaient elles aussi d’importation, et le plus souvent consistaient en un relookage subtil. Par exemple la vente à domicile de boîtes en plastique (au prix gonflé, mais l’organisatrice en a deux gratuites), qu’on baptisa sur Internet achat groupé en Tribu de la communauté ™.

En plus ils offrirent de nouvelles possibilités boursières aux Investisseurs ™, qui depuis les années 80 s’étaient déjà épuisés dans l’immobilier (grosse bulle et créances douteuses), et avaient ruiné une partie du Tiers Monde (par la spéculation sur les monnaies). Il était donc temps de remplacer le suivi du Top 50 ™ par les cours de la bourse, même et surtout chez les plus jeunes, afin de pouvoir dépouiller ceux qui ont encore de l’argent. D’autant qu’il s’agit de faire chanter l’hypertexte ™.

Entre temps, le système montra quelques ratés aux USA. Car le modèle politique impliqué par l’économie avait nécessairement de moins en moins d’adeptes. On put alors assister à notre tour, de ce côté de l’Atlantique, au ras-le-bol de la dot.com ™, au blues des start-up ™, etc. Ce qui permit de rallonger la sauce et de maintenir la machine pour un temps.
 

And now pussy ?

Maintenant, nos amis ne jurent plus que par le contenu ™. Et tout comme la vieille industrie musicale ébranlée par napster ™, ils pensent que la gratuité est un dogme ™, qu’il serait enfin temps de privatiser ce qui a encore un intérêt, bref le savoir (sur les outils avec les brevets, et sur l’information avec le copyright). Car les pseudo-services et les produits bidons lassent le cyber-consommateur.

Heureusement, en pleine période de triomphe de l’argent, où le discours néolibérale battait son plein, où la gauche se convertissait au Marché et parlait de seuil de tolérance ™ à propos des immigrés, et où la pop insipide brouillait les ondes, certains artistes choisissaient l’auto-production (et montaient leurs propres labels indépendants loin des Majors ™), le concert gratuit, et le folklore de la zone mondiale.

Contre le commerce, le pouvoir, et le racisme, une ré-appropriation de la politique, de la joie, et des circuits d’échanges. Certains sont morts, mais ils ont vécu. On les appelait les Alternatifs...

Chantons donc, puisque c’est la saison. Mais sachons choisir les textes, car la résistance n’est jamais inutile. Pour convaincre les plus hésitants, ajoutons qu’elle reste une excellente monnaie d’échange.

 
 
Lirresponsable
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